Comprendre la problématique des enfants zéro dose

Dans les pays à faible revenu, au moins 12,4 millions d'enfants échappent encore à la vaccination systématique et sont privés des vaccins de base, malgré des dizaines d’années de progrès dans l'amélioration de l'accès à la vaccination. Gavi, l'Alliance du Vaccin, s'efforce à présent d'atteindre ces enfants zéro dose.

  • 2 septembre 2022
  • 6 min de lecture
  • par Personnel de Gavi
Gavi/2021/Benedikt VonLoebell
Gavi/2021/Benedikt VonLoebell
 

 

Il y a vingt ans, le programme mondial visant à garantir l’accès aux vaccins à tous les enfants se trouvait dans une impasse. En 1990, la couverture vaccinale avait commencé à stagner, et même à diminuer dans les pays à faible revenu, et les pays pauvres n’avaient accès aux nouveaux vaccins que sept ans en moyenne après les pays riches. Et ceux qui en ont subi les conséquences, ce sont les enfants laissés sans protection contre des maladies mortelles comme la rougeole, la poliomyélite ou la pneumonie.

Près de 50 % des enfants zéro dose vivent principalement dans trois secteurs géographiques : les zones urbaines, les communautés isolées et les zones de conflit.

Vingt ans plus tard, nous avons de bonnes raisons de nous réjouir. Ces dix ans de déclin ont été suivis par vingt ans de croissance. Dans les pays à faible revenu, 78 % des enfants ont bénéficié de la vaccination de routine en 2020, malgré l'impact de la pandémie de COVID-19, contre 59 % en 2000, et plus de 500 nouveaux programmes de vaccination ont été introduits et déployés. Dans ces pays, le nombre d'enfants mourant de maladies évitables par la vaccination a diminué de 70 %. Des millions d'enfants sont désormais protégés.

L'un des éléments clés de ces progrès extraordinaires a été la création de Gavi, l'Alliance du Vaccin. Fondée en 2000, l'Alliance rassemble différentes organisations cherchant à améliorer l'accès à la vaccination dans les pays à faible revenu (gouvernements, agences des Nations Unies, industrie du vaccin, organisations de la société civile, etc.).


Mais malgré ces progrès, des millions d'enfants sont encore laissés de côté. En 2020, sur les 72,5 millions d'enfants que Gavi cherchait à vacciner dans les pays à faible revenu, 12,4 millions n’ont pas reçu une seule dose, ce qui les rend vulnérables à certaines des maladies les plus meurtrières. Dans les pays soutenus par Gavi, les enfants zéro dose représentent près de la moitié des décès évitables par la vaccination, alors que seulement un enfant sur huit ne reçoit aucun vaccin.

Gavi lance aujourd'hui une initiative mondiale qui vise à mettre fin à ces inégalités, en faisant de la vaccination des enfants zéro dose (qui n’ont reçu aucune dose de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche) sa principale priorité pour les cinq années qui viennent. Le but est de réduire le nombre d'enfants zéro dose de 25 % d'ici 2025, et de 50 % à l’horizon 2030, date de l’échéance fixée pour atteindre les Objectifs de Développement Durable.

Les communautés qui échappent à la vaccination

Pour atteindre ces enfants, il faut atteindre les communautés marginalisées dont ils font partie. Ces communautés, dont les membres ne sont pas vaccinés, sont susceptibles d’être l’épicentre d'épidémies. Elles sont également souvent privées des autres services de base et souffrent de profondes inégalités entre les hommes et les femmes.

Deux tiers des enfants zéro dose vivent dans des foyers dont le revenu est inférieur à 1,90 dollar par jour, c’est-à-dire sous le seuil de pauvreté international. Leurs mères ont deux fois moins de chances de bénéficier de soins prénatals ou d'une assistance médicale pour l'accouchement. Les foyers dans lesquels ils vivent ont peu accès à l'eau potable ou aux installations sanitaires. L'absence de vaccination n'est qu’un problème parmi d'autres.

La collaboration entre les gouvernements, les agences internationales et la société civile pourrait, de ce fait, apporter des bénéfices allant bien au-delà de la seule vaccination. En travaillant ensemble, nous avons la possibilité d’accroître notre capacité à apporter à ces communautés tout ce dont elles ont besoin pour mener une vie saine et réussie - de la nutrition à l'éducation en passant par l'eau potable et la vaccination.

L’impact de la COVID-19

La pandémie de COVID-19 a aggravé la situation. En ce qui concerne la vaccination, la pandémie menace de réduire à néant vingt ans de progrès. Avec la COVID-19, il est encore plus difficile d'atteindre ces enfants zéro dose, car les budgets se réduisent, les capacités déjà limitées des systèmes de santé sont consacrées à la pandémie, des populations sont déplacées tandis que la confiance dans les autorités sanitaires ainsi que la demande de vaccins sont ébranlées. Il est plus urgent et plus important que jamais d'atteindre les communautés dont font partie ces enfants.

La pandémie offre également de nouvelles opportunités. Les gouvernements travaillent actuellement d'arrache-pied pour éradiquer la COVID-19 partout où elle circule, ce qui devrait permettre à de nombreuses communautés négligées dans lesquelles vivent les enfants zéro dose d’avoir des contacts avec le système de santé.

Grâce aux nouveaux contacts que pourront avoir les communautés marginalisées avec les systèmes de santé, nous serons mieux à même de faire face aux pandémies qui pourraient survenir à l’avenir : en effet ce rapprochement avec les systèmes de santé grâce à la vaccination permet non seulement d’améliorer les chances des enfants de vivre une vie saine et réussie, mais aussi aux professionnels de santé de détecter les nouvelles épidémies et les nouvelles maladies émergentes

Où vivent les enfants zéro dose ?

Près de 50 % des enfants zéro dose vivent principalement dans trois secteurs géographiques : les zones urbaines, les communautés isolées et les zones de conflit.

Il existe des communautés oubliées dans la plupart des pays dans lesquels œuvre l'Alliance du Vaccin, mais en 2019, cinq pays (Nigéria, Inde, République démocratique du Congo, Pakistan et Éthiopie) comptaient à eux seuls les deux tiers des enfants zéro dose. Seize autres pays fragiles abritaient 18 % des enfants non vaccinés. Il existe des variations substantielles entre les pays et au sein d’un même pays ; ainsi, c’est en RDC et en Éthiopie que l’on trouve le plus grand nombre d'enfants zéro dose dans les zones rurales isolées, alors qu’au Nigéria, le plus grand nombre d'enfants zéro dose se trouve dans les zones impactées par des conflits.

Que fait Gavi à ce sujet ?

Il n’existe pas une façon unique d'atteindre ces communautés marginalisées. Les stratégies varient d'un pays à l'autre et au sein d'un même pays, en fonction du contexte et des situations particulières. Il va falloir faire preuve d’esprit d’innovation et de souplesse, et faire appel aux compétences d'organisations travaillant dans divers domaines.

Il va donc falloir travailler avec de nouveaux partenaires et adopter de nouvelles méthodes de travail, en particulier dans les régions transfrontalières en situation de fragilité ou de conflit, hors de portée des gouvernements. Au cours de l'année écoulée, Gavi a annoncé de nouveaux partenariats avec des organisations humanitaires, notamment la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), l’International Rescue Committee (IRC), Save the Children, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Bureau des Nations Unies pour les services d'appui aux projets (UNOPS) et l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Elles vont jouer un rôle crucial pour atteindre les enfants zéro dose dans les zones en situation d’urgence humanitaire et de conflit.

Il va falloir également pour cela de nouveaux financements. En décembre 2020, le Conseil d'administration de Gavi a accordé un financement d’un montant de 50 millions de dollars sur les cinq prochaines années pour aider à atteindre les millions d'enfants qui ne bénéficient toujours pas de la vaccination de routine dans les pays soutenus par Gavi.

Il va également falloir mettre l'accent sur les questions d'égalité entre les hommes et les femmes, car les inégalités entre les genres sont un obstacle majeur à la vaccination des enfants. Pour réussir à atteindre ceux qui ont été laissés de côté, il faut disposer d’un financement dédié, établir de nouveaux partenariats et renforcer la collaboration entre les partenaires de l’Alliance du Vaccin en ce qui concerne l’équité, à commencer par l’égalité entre les genres.

Avant tout, il va falloir faire les choses différemment, essayer de nouvelles approches et tirer les leçons du passé, avec pour mission centrale de ne laisser personne de côté.


Cet article a été mis à jour le 17 juin 2022 pour prendre en compte les données 2020 concernant le nombre d'enfants zéro dose.