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« Ne laisser personne de côté » : au Cameroun, un espoir pour les enfants privés de vaccination

Le Cameroun a lancé une initiative pour rechercher, trouver et vacciner tous les enfants zéro dose, afin de réduire l’incidence des maladies évitables. L'initiative "Reaching and Adapting Immunization Services Effectively for Zero-Dose Children (ZDC) in the Sahel Region (RAISE 4 ZDC)" vise à soutenir les efforts nationaux vers la réalisation de l'Agenda 2030 de l'OMS pour la vaccination. Le but : renforcer les stratégies nationales pour atteindre les enfants zéro-dose d'ici 2025.

  • 1 septembre 2022
  • 6 min de lecture
  • par Nalova Akua
Un enfant de Yoko, région du centre du Cameroun, reçoit une dose de vaccin contre la rougeole. Crédit : Messide Otthou
Un enfant de Yoko, région du centre du Cameroun, reçoit une dose de vaccin contre la rougeole. Crédit : Messide Otthou
 

 

L'insécurité, obstacle majeur à la vaccination

Pour assurer la vaccination complète de ses deux enfants, Relindis Njinkeng Njang, 31 ans, a été confrontée à l'insécurité qui frappe son village reculé de Bwitingi dans la région du Sud-Ouest du Cameroun. Pour de nombreuses femmes vivant dans cette partie du Cameroun secouée par des troubles civils depuis 2016, leur sécurité passe avant tout : la vaccination peut venir plus tard. Mais pas pour cette enseignante du secondaire.

« Mon premier enfant, âgé de 5 ans, a pris toutes ses doses de vaccins nécessaires, tandis que le second (deux mois et deux semaines) a déjà bénéficié de deux doses. J’ai décidé de suivre le calendrier de vaccination de mes enfants, parce que je veux qu'ils grandissent sainement et qu'ils ne contractent pas de maladies graves », explique-t-elle.

« L'insécurité a fait que de nombreux postes de proximité ne peuvent être visités par peur de kidnapping ou de meurtre. Pour cette raison, le nombre d'enfants zéro dose a augmenté. Nous allons utiliser les agents de santé communautaires, principalement pour pénétrer dans ces lieux. »

« La crise sécuritaire empêche de nombreuses personnes d'aller faire vacciner leurs enfants. Les gens ont peur d'aller à l'hôpital, d'autres n'ont pas les moyens d'aller faire vacciner leurs enfants », selon elle.

L'initiative RAISE 4 ZDC, financée par Gavi, l'Alliance du vaccin, lancée le 10 août 2022, permet d’espérer des lendemains meilleurs dans cette partie du Cameroun ainsi que dans d'autres zones à risque et difficiles d'accès.

« Après le lancement, nous achevons la phase de démarrage tout en ouvrant la voie au démarrage des activités à grande échelle en octobre », a déclaré le Dr Njume Epie, coordinateur technique de l'initiative RAISE 4 ZDC.

« Plus précisément, nous terminons les évaluations de base, identifions les enfants zéro dose (ceux qui n'ont reçu aucun vaccin de routine conformément au calendrier du programme élargi de vaccination), interagissons avec les acteurs clés (y compris les comités de gestion, les mobilisateurs sociaux) pour comprendre les déterminants de la couverture vaccinale », a-t-il ajouté.

« À la fin 2021, il y avait plus de 150.000 enfants zéro dose, dont 76% se trouvent dans les régions du Sud-Ouest, de l'Ouest, du Littoral, de l'Extrême-Nord et du Centre du Cameroun », rappelle le coordinateur technique de l'initiative RAISE 4 ZDC.

Dr Efouba Gisèle
Dr Efouba Gisèle Épouse Nko'o, chef d'unité des activités de vaccination supplémentaire au PEV, remplit le carnet de vaccination d'un enfant vacciné contre la rougeole à l'extrême nord du Cameroun.
Crédit : Efouba Gisèle

Le faible taux de vaccination trouve son fondement dans les données géographiques. Selon le Dr Njume, les zones reculées et les zones transfrontalières constituent des facteurs qui augmentent le nombre d'enfants zéro dose au Cameroun. À cela s'ajoutent des défis de l’offre et de la demande : on note l'indisponibilité des vaccins, des vaccinateurs, de la logistique, conjugués aux récits culturels, religieux, qui dissuadent les parents de faire vacciner leurs enfants.

« Tout cela dans un contexte de conflits et de troubles sociaux qui alimentent le déplacement interne des personnes, l'insécurité qui limite les campagnes de sensibilisation, etc. », contextualise le Dr Njume.

« Ne laisser personne de côté en matière de vaccination »

Gavi, l'Alliance du vaccin, a fait du « ne laisser personne de côté en matière de vaccination » la vision centrale de sa stratégie 2021-25 (Gavi 5.0). En décembre 2020, le Conseil d'administration de Gavi a approuvé un financement supplémentaire dédié de 500 millions de dollars américains pour la période stratégique 2021-2025, nommé « Equity Accelerator Fund », qui finance le Programme de vaccination des enfants zéro dose (ZIP).

Il s’agit d’une nouvelle initiative innovante faisant appel à deux consortiums de partenaires qu’elle financera à hauteur de 100 millions de dollars US pour identifier et atteindre les enfants zéro dose vivant dans des communautés déplacées et dans des situations de fragilité de conflit.

Dans le Sahel, c’est World Vision qui mène le consortium qui été choisi comme bénéficiaire du « Equity Accelerator Fund » dans la région. La plateforme de l'Association chrétienne africaine de la santé (ACHAP) a été sélectionnée pour superviser sa mise en œuvre au Tchad, au Cameroun et au Nigeria. Les services de santé de la Convention baptiste du Cameroun (CBC) dirigeront l’implémentation de l'initiative zéro dose au cours des quatre prochaines années. Ce travail se fera en collaboration avec le ministère de la Santé du Cameroun.

L'initiative zéro-dose cible les six régions les plus fragiles et vulnérables du Cameroun, à savoir : les régions de l’Est, l'Extrême-Nord, du Nord, de l'Adamaoua, du Sud-Ouest et du Nord-Ouest.

« Dans les trois prochains mois, nous déterminerons l'ampleur du problème des enfants à dose zéro au Cameroun », prévoit le professeur Pius Tih Muffih, directeur de CBC. Par la suite, une stratégie sera mise en place pour atteindre les enfants zéro dose dans les banlieues afin de s'assurer qu'ils sont vaccinés.

« Nous allons travailler en synergie avec le Programme élargi de vaccination pour qu’ils nous disent les problèmes qu’ils rencontrent. Nous allons les assister. Nous nous assurons également que tous ces enfants seront vaccinés », déclare le professeur Tih.

Il ajoute que son organisation élargira son champ d'action, en veillant à ce qu'aucun enfant ne soit laissé pour compte « en travaillant avec des organisations communautaires, des organisations de la société civile, des églises et tout autre groupe susceptible de faciliter le contact direct entre nos équipes et les communautés, pour identifier les enfants à vacciner. »

Des épidémies dans le conflit

Le Dr Cornelius Chebo, coordinateur du Programme élargi de vaccination et du Centre de lutte contre les épidémies et les pandémies dans le nord-ouest du Cameroun touché par la crise, déclare que l'initiative zéro dose financée par Gavi arrive à point nommé.

« Toutes les maladies évitables par la vaccination peuvent créer une épidémie », déclare le spécialiste de la santé. Il explique que la région a dû faire face à des épidémies de fièvre jaune, de rougeole et de choléra au milieu du conflit.

Vaccination d'enfants au Cameroun
Des femmes de Yoko, dans la région du centre du Cameroun, font la queue pour faire vacciner leurs enfants contre la rougeole.
Crédit : Messinde Otthou

« L'insécurité a fait que de nombreux postes de proximité ne peuvent être visités par peur de kidnapping ou de meurtre », dit-il. « Pour cette raison, le nombre d'enfants zéro dose a augmenté. Nous allons utiliser les agents de santé communautaires, principalement pour pénétrer dans ces lieux. »

Le Dr Shalom Tchokfe Ndoula, secrétaire permanent du Programme élargi de vaccination du Cameroun, assure que le nombre d'enfants zéro dose était une préoccupation majeure pour le gouvernement et ses partenaires. « De plus en plus, les enfants ayant des besoins spéciaux sont souvent négligés dans l'offre de service de vaccination et ne reçoivent pas réellement leurs doses de vaccins », affirme-t-il.

« La stratégie que nous utilisons et qui doit être la priorité du programme dans les années à venir est de travailler principalement avec les communautés – pas seulement avec les institutions – pour comprendre d’abord les barrières qui empêchent les services ou bien qui empêchent les enfants de recevoir leurs vaccins, et de travailler sur ces facteurs-là ensemble avec les communautés pour que l’offre de service arrive à s’adapter avec exactitude à la demande, suivant les modalités que les communautés aura identifiées. »