Au Togo, on ne baisse pas la garde face à la polio

Le Togo vient d’organiser une nouvelle campagne de vaccination contre la poliomyélite, une maladie contagieuse et invalidante qui touche particulièrement les enfants de bas âge. Pour cette activité prévue en deux tours, le premier passage a eu lieu du 15 au 18 août 2022 plus d’1,7 million d’enfants de 0 à 59 mois dans tout le pays. A Lomé, nous avons suivi une équipe d’agents vaccinateurs qui a sillonné les maisons au dernier jour de cette première phase.

  • 29 août 2022
  • 5 min de lecture
  • par Nephthali Messanh Ledy
Des vaccinateurs marquent le doigt d'un enfant ayant reçu le vaccin oral contre la poliomyélite à Kodomé, quartier situé à l’ouest de Lomé, le 18 août 2022. Crédit : Nephthali Ledy
Des vaccinateurs marquent le doigt d'un enfant ayant reçu le vaccin oral contre la poliomyélite à Kodomé, quartier situé à l’ouest de Lomé, le 18 août 2022. Crédit : Nephthali Ledy
 

 

Jeudi 18 août 2022, il est 9 heures. A quelques encablures du centre-ville de Lomé, dans le quartier dit Kodomé situé dans la commune Golfe 4, près de la frontière ghanéenne, une équipe d’agents de santé communautaire vient de commencer sa tournée. Sur leurs chasubles bleues est inscrite la mention : « Ministère de la Santé ». Autre signe distinctif : la glacière porte-vaccins.

L’équipe de quatre membres, dont une femme, sillonne le quartier depuis trois jours pour vacciner les enfants de 0 à 5 ans contre la polio. En ce dernier jour, « nous faisons du ratissage », précise le superviseur, Saba Hilaire, la cinquantaine. Il s’agit pour cette équipe de passer à nouveau en revue les maisons pour avoir la certitude de ne pas avoir manqué une cible. Huit équipes similaires ont été déployées rien que dans ce quartier situé à l’ouest de la capitale togolaise.

Ne laisser aucun enfant de côté

Dans la dizaine de maisons visitées en leur compagnie, tous les enfants ont été vaccinés. « Vu qu’il y a d’autres équipes qui travaillent dans le quartier pour s’assurer que les enfants sont effectivement vaccinés, nous vérifions le marquage au bout du doigt et l’inscription à l’entrée de la maison. Je pense que les équipes ont fait un bon travail. D’autant plus que depuis ce matin, nous n’avons pas encore trouvé d’enfant non-vacciné. C’est cela notre objectif, n’en laisser aucun de côté », déclare Saba Hilaire après une heure d’activités.

« Ce serait une erreur de ne pas faire vacciner mes enfants contre des maladies aussi graves que la polio. Si quelque chose leur arrivait, je ne me le pardonnerais pas. »

Alors que les agents vaccinateurs s’approchent du marché du quartier, ils tombent sur une revendeuse avec un enfant sur le dos. Le superviseur engage la conversation en langue locale après les salutations d’usage. « S’il vous plaît madame, votre enfant a-t-il été vacciné contre la polio cette semaine ? ». « Non », répond la dame d’une trentaine d’années. Après un court exposé sur l’importante de la vaccination contre la poliomyélite, la revendeuse accepte que son enfant soit vacciné. C’est maintenant chose faite.

Agents vaccinateurs au Togo
Les agents vaccinateurs effectuent un marquage sur une maison où les enfants ont bien été vaccinés.
Crédit : Nephthali Ledy

« Presque tous les parents ont accepté la vaccination dans ce quartier », nous confie M. Saba, bien connu à Kodomé pour son implication dans les actions à visée communautaire. « Mais il y aussi quelques réticences particulièrement au sein des communautés étrangères », ajoute-il. « Dans ces cas, nous faisons appel à la hiérarchie qui envoie d’autres personnes pour convaincre ces parents. Et très souvent, ils finissent par entendre raison », raconte le superviseur lorsque nous lui demandons comment s’est déroulée cette activité de quatre jours.

Au terme du ratissage, l’équipe aura visité une quarantaine de maisons et vaccinés sept enfants en ce dernier jour du premier tour de la campagne.

Ces parents qui ont toujours confiance dans les vaccins

Marcellin, 43 ans, réparateur d’appareils électroniques, est un habitant du quartier Kodomé. Il fait partie des parents qui été font toujours confiance aux vaccins. « Je suis père de trois enfants. Du premier au dernier, ils ont toujours été vaccinés. Il n’y a jamais eu de problème. Je ne vais pas me fonder sur les rumeurs et faire courir le risque d’une maladie grave à mes enfants. Les vaccins ont été toujours d’une grande utilité pour les populations, surtout dans les pays pauvres comme le Togo où se soigner coûte cher », confie celui dont le dernier enfant de trois ans a été vacciné au cours de cette nouvelle campagne.

Sa voisine Ayabavi, 29 ans, a aussi fait vacciner ses deux enfants de 4 et 2 ans. « Au début, j’avais un peu peur parce qu’on a entendu beaucoup de choses ces derniers temps sur les vaccins. Mais lorsque les agents de santé communautaire sont venus nous expliquer, j’ai compris que ce serait une erreur de ne pas faire vacciner mes enfants contre des maladies aussi graves que la polio. Si quelque chose leur arrivait, je ne me le pardonnerais pas. C’est à partir de là que j’ai accepté la vaccination. Et jusqu’à présent, mes enfants sont en bonne santé », raconte-t-elle.

Près d’une vingtaine de cas de polios signalées dans le pays…

Si les autorités togolaises sont sur le qui-vive face à la poliomyélite, c’est parce que plusieurs cas du virus sont signalés dans le pays. En effet, depuis 2019, 17 cas de la maladie ont été confirmés. Pas plus tard qu’en mai 2022, deux nouveaux ont été relevés dans le district de l’Oti (région des Savanes) et le district du Golfe (région du Grand-Lomé), alors que le pays avait organisé une campagne de vaccination trois mois plutôt.

« Conformément aux procédures opérationnelles standards de l’éradication de la poliomyélite dans le monde, une campagne de riposte vaccinale doit être organisée en réponse aux cas confirmés. C’est ce qui justifie l’organisation de la présente campagne nationale de vaccination de riposte contre la poliomyélite chez les enfants de 0 à 5 ans qui sera faite en deux passages selon la stratégie porte-à-porte, et sera mise à profit pour faire une recherche active des cas de Paralysie flasque aiguë (PFA) dans les ménages », explique le Professeur Moustafa Mijiyawa, Ministre de la Santé, de l’Hygiène publique et de l’Accès universel aux soins à l’entame de cette phase.

Le deuxième tour de la campagne est prévu quatre semaines après le premier. En attendant, les agents de santé communautaires ont pour mission de continuer à sensibiliser les parents réticents, pour qu’au moment opportun, la vaccination se déroule sans accrocs.

Suivez sur Twitter : @NephLedy