Malgré une vague de désinformation, la campagne d’introduction du vaccin contre le VPH au Pakistan progresse
Les rumeurs en ligne ont semé le doute parmi les parents pakistanais, mais un intense travail de sensibilisation et de confiance a porté ses fruits : plus de neuf millions de filles sont désormais protégées contre le cancer du col de l’utérus.
- 14 octobre 2025
- 6 min de lecture
- par Adeel Saeed

Sur le pas de la porte de sa modeste maison à Rawalpindi, Amina remit son foulard en place pour couvrir ses cheveux et expliqua aux agents de santé venus lui rendre visite qu’elle n’était pas encore prête à autoriser la vaccination de sa fille adolescente contre le virus du papillome humain (VPH).
Elle avait écouté les informations qu’ils lui avaient présentées. Elle avait entendu dire que le virus est responsable de l’immense majorité des cas de cancer du col de l’utérus et appris que le vaccin, déployé pour la première fois au Pakistan le 15 septembre, s’est révélé capable de prévenir 90 % des cas de ce cancer. Mais elle restait incertaine : elle voulait plus de temps. Elle souhaitait en parler avec son mari avant de prendre une décision.

Crédit : Adeel Saeed
Quelques jours plus tard, l’équipe de santé revint pour répondre aux questions et aux inquiétudes des deux parents. Munis de réponses claires, ils acceptèrent finalement que leur fille soit vaccinée.
« Une évolution similaire, passant de la confusion à l’adhésion, a été observée chez près de 90 % des parents des adolescentes ciblées », rapporte Maskeen Ullah, responsable du centre de santé du Conseil d’Union Imam Bargah à Rawalpindi. Maskeen a vu la couverture vaccinale passer de 10 % de la population cible le premier jour de la campagne à plus de 70 % le troisième jour.
Les parents expriment leurs inquiétudes
La première campagne d’introduction du vaccin au Pakistan, d’une durée de douze jours (du 15 au 27 septembre), visait à atteindre 13 millions de filles âgées de 9 à 14 ans dans le Pendjab, le Sind, la région d’Azad Jammu-et-Cachemire (AJK) et Islamabad. Une deuxième et une troisième campagne sont prévues en 2026 et 2027, afin de protéger cinq millions d’autres filles dans le reste du pays.
L’intégration du vaccin contre le VPH dans le programme national de vaccination de routine représentait un véritable défi – et pas seulement en raison de l’ampleur de la population concernée. Bien que le cancer du col de l’utérus soit le troisième cancer le plus fréquent chez les femmes pakistanaises, causant environ 3 500 décès par an – un chiffre probablement sous-estimé – une enquête récente menée par Jhpiego a révélé que seulement 19 % des personnes en charge d’enfants avaient entendu parler de cette maladie. À peine 2 % savaient qu’un vaccin permettant de la prévenir existait.

Le manque de connaissance a suscité des inquiétudes. « L’hésitation des parents face au vaccin contre le VPH était prévisible, car des mythes et de la désinformation ont circulé massivement sur les réseaux sociaux avant même le lancement de la campagne de vaccination, créant peur et confusion au sein de la population », explique le Dr Muzafar Saeed, responsable du programme VPH au sein de la Rural Education and Economic Development Society (REEDS).
En collaboration avec la Direction fédérale de la vaccination, le Programme élargi de vaccination (EPI) et Gavi, REEDS a introduit la vaccination contre le VPH dans huit districts de la province du Pendjab.
« Pourquoi seulement les filles ? », « Cela rend-il stérile ? », « Est-ce halal ? » ou encore « Pourquoi est-ce gratuit ? » — telles étaient quelques-unes des questions que les agents de santé entendaient sans cesse de la part des parents, pris dans la tourmente d’une campagne de désinformation sur les réseaux sociaux.
La patience porte ses fruits
Gagner la confiance du public envers une vaccination encore méconnue a exigé un patient travail de sensibilisation, explique Muzafar. Les mobilisateurs sociaux et spécialistes de l’engagement communautaire ont effectué des « visites régulières » auprès des parents hésitants. La majorité des familles initialement réticentes dans sa zone d’intervention ont depuis donné leur consentement, indique le Dr Saeed.
Gros plan sur la campagne : Farkhunda Feroz, vaccinatrice

« Établir la confiance par le dialogue est essentiel. C’est pourquoi nous nous rendons de maison en maison et dans différentes communautés pour la vaccination contre le VPH », explique Farkhunda Feroz, vaccinatrice au sein du Programme élargi de vaccination (EPI) du Sindh, juchée sur l’un des nombreux scooters électriques fournis aux agents de terrain de Karachi par Gavi.
Se déplacer rapidement dans une ville aussi densément peuplée représente un défi majeur dans une campagne d’une telle ampleur — d’autant plus que, dans un climat d’anxiété, les visites de suivi sont essentielles.
« Lors de la première visite, les parents sont souvent réticents à cause des vidéos négatives, » explique Feroz. « Mais après des discussions de suivi, beaucoup changent d’avis. » Dans une école du quartier de Balouch Got à Karachi, la couverture vaccinale est passée d’un taux alarmant à près de 100 % grâce à un engagement communautaire constant, rapporte-t-elle.
Des expériences similaires ont été rapportées dans le Sindh, où 3 611 équipes ont travaillé pour atteindre 4,1 millions de filles — dont 2,2 millions non scolarisées. « Selon les statistiques, la couverture vaccinale dans la province du Sindh dépassait les 50 % dès le quatrième jour de la campagne et continue de progresser grâce aux visites de suivi régulières et aux mesures de contre-propagande », indique le Dr Arsalan Mamon, responsable du suivi et de l’évaluation au sein de l’EPI Sindh.
Le Dr Mamon a indiqué que les autorités sanitaires s’attendaient à atteindre une couverture de 80 % dans le Sindh, mais que le rythme avait été ralenti par la diffusion de « vidéos trompeuses ».

Lutter contre la désinformation
Avant même le lancement de la campagne, des responsables comme le Dr Mamon savaient que ces « vidéos trompeuses » circulant sur les réseaux sociaux risquaient de freiner sérieusement l’adhésion. « Le ministère de la Santé a mis en place une contre-stratégie consistant à diffuser des vidéos de sensibilisation mettant en scène des gynécologues, des célébrités, des responsables politiques, des érudits religieux et des journalistes », explique la Dre Azra Ahsan, présidente de l’AMAN (Association for Mothers & Newborns), une organisation de la société civile œuvrant pour la sensibilisation des communautés au VPH.
Certains opposants à la vaccination ont été directement contactés par des responsables du ministère de la Santé, qui ont cherché à leur fournir des preuves du potentiel salvateur du vaccin contre le VPH.
Des érudits religieux de renom ont également publié des messages vidéo rassurant les hommes du pays sur l’innocuité du vaccin pour les jeunes filles, et appelant les parents à ne pas prêter attention aux fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux.
Gros plan sur la campagne : Rija Kamal, vaccinée contre le VPH, et Syed Mustafa Kamal, ministre pakistanais de la Santé

Le 20 septembre, Rija Kamal s’est avancée devant un groupe de journalistes réunis pour recevoir son vaccin.
Son père, le ministre fédéral des Services nationaux de santé, Syed Mustafa Kamal, était assis à ses côtés. « Afin de garantir qu’aucune fille de notre pays ne soit laissée pour compte à cause de la désinformation, j’ai décidé de faire vacciner ma fille en public », a-t-il déclaré à la presse.
« Ce geste vise à briser les rumeurs nuisibles autour du vaccin contre le VPH et à inspirer les parents — en particulier ceux induits en erreur par la propagande — à agir et à protéger leurs filles du cancer du col de l’utérus grâce à une vaccination en temps voulu », a ajouté Mustafa devant les journalistes.
Cette injection ne protégerait pas seulement Rija du virus à l’origine du cancer, mais bien d’autres filles encore. Le 26 septembre, le ministre de la Santé a indiqué que cette vaccination publique avait eu « un impact considérable ».
« À partir du cinquième jour de la campagne, le taux de refus a commencé à baisser, et l’adhésion a grimpé à 70–80 % dans certains districts », a-t-il ajouté.
Pour aller plus loin
Le chanteur et militant pour l’éducation Shehzad Roy s’est également joint à la campagne. S’exprimant dans une école de Karachi, il a exhorté les parents à ne pas se laisser influencer par les rumeurs circulant sur les réseaux sociaux, mais à faire confiance aux bienfaits prouvés de la vaccination contre le VPH pour protéger leurs filles.
Dans l’espoir de maintenir l’élan acquis de haute lutte, le gouvernement a prolongé la campagne de trois jours supplémentaires. À la clôture de la campagne, le ministre de la Santé a pu annoncer qu’elle avait « surmonté les revers initiaux alimentés par les sceptiques en ligne et atteint jusqu’à présent plus de 70 % de son objectif au niveau national ».
Bilan de la campagne : point de situation en octobre
- Après la prolongation de trois jours (du 29 septembre au 1er octobre), la couverture globale parmi les filles âgées de 9 à 14 ans éligibles atteignait 71 %, selon les données gouvernementales.
- Cela représente 9,2 millions de filles vaccinées – soit 9,2 millions de filles protégées contre le cancer du col de l’utérus – en seulement 15 jours.
- L’élan compte : la prolongation de trois jours de la campagne a permis d’administrer 1,4 million de doses supplémentaires. Les taux de couverture dans le Pendjab, en particulier, ont fortement augmenté pendant ces jours de rattrapage.
- Des efforts restent à faire : 18 districts affichent encore des taux de couverture inférieurs à 60 %. En complément de la vaccination continue dans les cliniques, les écoles et par les activités de proximité, le gouvernement recommande un « suivi intensif » dans les zones à faible couverture.