« Une muraille contre la fièvre jaune » : Comment un Centre de santé de Ouagadougou éradique la maladie grâce à la vaccination

En périphérie nord-est de Ouagadougou, le Centre de santé et de promotion sociale de Bangporé ne lésine pas sur les méthodes de sensibilisation à la vaccination contre la fièvre jaune. Avec un taux vaccinal annuel de plus de 100%, il est un modèle dans la prévention de la maladie.

  • 22 mai 2023
  • 5 min de lecture
  • par Abdel Aziz Nabaloum
Les familles attendent leur tour pour recevoir le vaccin contre la fièvre jaune au CSPS de Bangporé. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
Les familles attendent leur tour pour recevoir le vaccin contre la fièvre jaune au CSPS de Bangporé. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
 

 

Ce jour de mai est un jour de vaccination contre la fièvre jaune au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Bangporé, situé dans le secteur 17 de la capitale. A pied, en mobylette, à vélos, des mamans, bébés au dos ou au bras, convergent vers l’hôpital. Dans le hall de vaccination, des dizaines de mères sont déjà assises par ordre d’arrivée. Pendant que certaines tiennent leur bébé à la main, d’autres bambins poursuivent un ballon qu’ils ont du mal à shooter avec leurs petits pieds.

Confortablement assises sur leur chaise, les agents itinérants de santé avec en tête, Awa Monné, vérifient un tas de carnets pour s’assurer qu’aucun enfant n’a raté son vaccin. Nafissetou Béïté, qui a fui les attaques terroristes dans son village, Galor, à plus de 200 km de Ouagadougou, pour se réfugier au quartier Bangporé, est parmi les premières femmes à prendre place sur le long banc en ciment du hall de vaccination.

4.	Les agents de santé s’assurent que tous les enfants sont vaccinés.
Les agents de santé s’assurent que tous les enfants sont vaccinés.
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

Inquiète, elle est consciente que son fils Ousehiri, âgé de 16 mois court le risque d’attraper un grand nombre de maladies. Après vérification de son carnet de vaccination, celui-ci n’a reçu aucun vaccin depuis sept mois. « Depuis sa naissance, je l’ai toujours vacciné. Mais à cause des terroristes qui nous ont contraints à fuir notre village, il n’a plus reçu de vaccins du 9e et 15e mois, car dans notre zone de refuge les hôpitaux étaient aussi fermés. C’est le mardi 9 mai seulement que nous avons regagné Ouagadougou…», explique-t-elle. Il faut vite rattraper son calendrier, ordonne Awa Monné. « Comme, il est dans le délai de 15-18 mois, nous allons lui faire le rattrape de la rougeole, VAA (contre la fièvre jaune) et méningite A », précise l’agent Monné.

A 9h20, c’est le début des vaccinations. Le petit Ousehiri est le premier enfant à recevoir sa dose de vaccin antiamaril.

« Des agents de santé nous galvanisent à venir protéger nos enfants »

Awa Monné est très heureuse de la mobilisation du jour. Le principal message transmis aux parents est le suivant : «la vaccination protège les enfants contre les maladies ». Le message passe très bien, selon elle.

« Nous faisons la vaccination appuyée par des causeries pour sensibiliser les mères. Nous allons dans certains quartiers pour retrouver les enfants qui ne viennent pas à l’hôpital. Nous faisons aussi la recherche des perdus de vue, c’est-à-dire, lorsqu’on remarque l’absence de certains enfants, nous passons un coup de téléphone aux parents pour leur rappeler de venir terminer le calendrier vaccinal de l’enfant. »

Malgré, la longue file d’attente, Nafissatou Sondé prend son mal en patience. Même si elle a parcouru deux kilomètres pour rejoindre le centre de santé, quelle que soit son heure de passage, elle est sûre que son nourrisson, Abdoul (15 mois) recevra sa dose de vaccin contre la fièvre jaune. Après un quart d’heure, il est définitivement immunisé contre la maladie. « C’est son dernier vaccin et j’en suis très heureuse. Grâce à son père qui est le premier à me rappeler les dates de vaccination, mon enfant est à jour de ses vaccins », lance sa mère tout sourire.

Abibou Ouédraogo, qui redoute la fièvre jaune, n’a pas hésité à abandonner son commerce pour répondre à l’appel de l’équipe médicale du CSPS qui ne cesse de convaincre les mères des bienfaits de la vaccination. « Je suis très contente des agents de santé qui nous galvanisent à venir protéger nos enfants contre les maladies », lance-t-elle. Son fils Aboubacar (15 mois) au bras, elle déclare fièrement : « aujourd’hui, je suis très heureuse que mon fils soit protégé contre cette maladie mortelle pour les enfants ».

Grâce à la stratégie vaccinale mise en place, notamment la sensibilisation, les femmes adhèrent aux campagnes contre la fièvre jaune et toutes les autres pathologies, confie le responsable Prévention par la vaccination du PEV, Fayçal Sawadogo. « Nous partons vers les mamans et lorsqu’elles viennent ici, nous leur parlons des bienfaits de la vaccination. Lors des campagnes, nous regardons les carnets de vaccination des enfants, s’ils ne sont pas à jour, nous leur demandons de venir au centre de santé pour le rattrapage », dit-il.

44% d’enfants vaccinés en 4 mois

La vaccination bat son plein. Dans la matinée, l’affluence ne faiblit pas. D’après Saïdou Sawadogo, responsable du CSPS, le taux de couverture vaccinale va au-delà de 100% chaque année dans son aire sanitaire, composé des secteurs 17, 39 et une partie du secteur 40. « Fin avril 2023, nous étions déjà à 44% de taux de vaccination. Nous faisons la vaccination appuyée par des causeries pour sensibiliser les mères. Nous allons dans certains quartiers pour retrouver les enfants qui ne viennent pas à l’hôpital. Nous faisons aussi la recherche des perdus de vue, c’est-à-dire, lorsqu’on remarque l’absence de certains enfants, nous passons un coup de téléphone aux parents pour leur rappeler de venir terminer le calendrier vaccinal de l’enfant », précise M. Sawadogo.

Saïdou Sawadogo, responsable du CSPS
Saïdou Sawadogo, responsable du CSPS, s'assure que les vaccins sont conservés dans des conditions optimales, grâce à la solution Parsyl
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

Grâce à la mobilisation des agents de santé, depuis des décennies, l’aire sanitaire de Saïdou Sawadogo s’est débarrassée de la fièvre jaune. Et, dit-il, leur satisfaction est de savoir que les enfants sont protégés et que leur aire sanitaire est à l’abri de certaines épidémies.

De son avis, de nos jours, si les épidémies ont toujours lieu, ce n’est pas à mettre au crédit d’un agent de santé. « Maladie extrêmement grave et mortelle, le ministère de la Santé nous a instruit d’être vigilant et de rechercher tous les cas de fièvre jaune. L’année dernière, nous avons injecté plus de 800 doses aux enfants. Pour cette année, nous sommes déjà autour 400 doses et nous allons dépasser les 800 enfants vaccinés. Nous n’avons aucun problème d’approvisionnement en vaccins, chaque fois que nous formulons la demande, nous en recevons », précise M. Sawadogo.

Pour ce dernier, chaque mère doit donner la chance à son enfant d’éviter les maladies évitables par la vaccination. Et, ce message Salimata Kindo, mère de trois enfants l’a bien compris. Ses enfants seront une muraille contre la fièvre jaune et toutes autres maladies, insiste-t-elle.


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