Les Papas Champions, leviers cruciaux pour surmonter les barrières en matière de vaccination au Togo

Au Togo, les faibles taux de couverture vaccinale dans certaines régions ont incité des organisations de la société civile à mettre en œuvre une approche innovante appelée « Papa Champion ». Cette initiative, soutenue par Gavi, vise à renforcer la participation des hommes dans les activités de vaccination, en luttant contre les stéréotypes de genre en les sensibilisant à l'importance de la vaccination pour la santé de leurs enfants et des femmes enceintes.

  • 7 juin 2024
  • 6 min de lecture
  • par Nephthali Messanh Ledy
Deux Papas Champions en poste au centre médico-social de Kanyikopé, ici avec un assistant d’hygiène d’Etat qui salue leur appui. Crédit : Nephtali Ledy
Deux Papas Champions en poste au centre médico-social de Kanyikopé, ici avec un assistant d’hygiène d’Etat qui salue leur appui. Crédit : Nephtali Ledy
 

 

Une mission cruciale : les Papas Champions au cœur de la vaccination

Au Togo, la vaccination des enfants est souvent perçue comme une responsabilité des femmes. Pourtant, la participation des hommes est cruciale pour une couverture vaccinale complète et efficace. C'est dans ce contexte que l'initiative Papa Champion a vu le jour.

L'Unité de soins périphériques (USP) Lama Tessi, dans la préfecture de Tchaoudjo, située à 341 km au nord de Lomé, est un exemple concret de l'impact positif de ce programme. Les Papas Champions, comme Kadira Agbanda, jouent un rôle essentiel pour combler le fossé entre les genres en matière de santé.

Il explique son rôle : « Supposons qu'une femme vienne à la consultation prénatale au premier trimestre, mais ne se présente pas aux rendez-vous suivants. C'est notre devoir de la retrouver et de l'encourager à poursuivre son suivi prénatal. De même, pour le Programme élargi de vaccination (PEV), si un enfant reçoit le vaccin BCG [contre la tuberculose, ndlr.] mais ne revient pas pour la deuxième dose, il nous appartient de le retrouver, de le ramener au centre de santé et de veiller à ce qu'il reçoive la dose manquante. »

Depuis sa mise en œuvre en 2019, l'approche Papas Champions a donné des résultats probants avec une augmentation de la couverture vaccinale dans les zones d'intervention : près de 13 000 enfants ont été retrouvés et référés entre 2019 et 2022, dont 10 500 ont été vaccinés.

Loin d'être de simples relais d'information, les Papas Champions sont des acteurs clés du changement. Ils brisent les tabous culturels et encouragent les hommes à assumer leur responsabilité dans la santé de leurs enfants.

« J'ai découvert l'initiative Papa Champion en 2019 grâce à l'ONG Arc-en-ciel », témoigne Ayao Eugène Aguidi, Papa Champion dans la zone de Kanyikopé, proche du port de Lomé. « Cette initiative, qui vise à retrouver les enfants et femmes perdus de vue pour la vaccination, est une réelle avancée. Elle nous a permis, en tant que Papas Champions, de grandir et d'améliorer nos relations avec les acteurs de la communauté », se félicite-t-il.

Un sentiment partagé par son collègue Macharles Mensah, actif dans la même zone : « L'impact de cette approche sur notre communauté est indéniable », affirme-t-il au service d'hygiène et vaccination du Centre médico-social de Kanyikopé, en présence d'un assistant d'hygiène d'État qui acquiesce de la tête.

Amener les hommes à adhérer aux activités vaccinales

Coordonnée par la Plateforme des Organisations de la Société Civile pour la Vaccination et l'Immunisation au Togo (POSCVITOGO) et soutenue par Gavi, l’Alliance du Vaccin, l'approche Papas Champions vise à accroître la participation des hommes à la vaccination des enfants de zéro à cinq ans et des femmes enceintes.

Cette initiative démontre le potentiel de l'implication des hommes pour améliorer la santé maternelle et infantile. Depuis sa mise en œuvre en 2019, l'approche Papas Champions a donné des résultats probants avec une augmentation de la couverture vaccinale dans les zones d'intervention : près de 13 000 enfants ont été retrouvés et référés entre 2019 et 2022, dont 10 500 ont été vaccinés. En ce qui concerne les femmes enceintes, 1 025 ont été retrouvées, 860 référées et 666 vaccinées, selon le Coordonnateur du Secrétariat Technique de POSCVI-TOGO, M. KOLA Manzama-Esso.

« Cette approche a vu le jour à cause des faibles taux de couverture vaccinale dans certaines formations sanitaires de la région du Golfe. Pilotée par les hommes pour amener leurs semblables à adhérer aux activités vaccinales, elle les incite à comprendre l'importance de la vaccination des enfants et des femmes enceintes, permettant ainsi une amélioration des taux de couverture vaccinale dans les centres concernés. Dans mon aire sanitaire en particulier, les Papas Champions se sont distingués par leur intervention, permettant de vacciner plusieurs enfants », complète Messavi Pierre Adedjé, assistant d'hygiène d'État au centre de santé d’Adakpamé.

En cas de manquement, les Papas Champions recherchent les absents et les accompagnent pour rattraper les rendez-vous ou les doses vaccinales manqués. Leur implication complète celle des agents de santé communautaire, améliorant ainsi la couverture vaccinale.

Tout commence par l'identification d' « hommes modèles » au sein de la communauté. Selon la POSCVITOGO, il s’agit d’un homme marié et/ou père d'enfants, exemplaire dans le suivi de leur scolarisation et de leur santé, y compris la vaccination. Il est également volontaire et dévoué à sa communauté, dans laquelle il doit avoir habité pendant au moins deux ans.

Il doit également être à l'écoute, être un bon communicateur, participer aux activités de développement de sa communauté et lutter contre toute pratique nuisant à la vaccination des femmes et des enfants.

Ces champions de la santé reçoivent une formation complète et se chargent ensuite de sensibiliser leurs pairs à l'importance de la vaccination et de la santé maternelle et infantile pour leur famille.

Mais leur mission ne s’arrête pas là : les Papas Champions accompagnent physiquement les femmes et les enfants aux centres de santé. Ils s'assurent qu'ils reçoivent les soins dont ils ont besoin et qu'aucun rendez-vous, en particulier les consultations prénatales, ni aucune dose de vaccin ne soit manquée.

Dans la communauté, ils veillent au respect des rendez-vous médicaux et à la vaccination des enfants. En cas de manquement, ils recherchent les absents et les accompagnent pour rattraper les rendez-vous ou les doses vaccinales manqués. L'implication des Papas Champions complète celle des agents de santé communautaire, améliorant ainsi la couverture vaccinale.

« Améliorer leur condition de travail »

Malgré leur dévouement sans faille, les Papas Champions se heurtent à des obstacles qui entravent leur mission.

« Dans toute activité, il y a des difficultés », dit Kadira Agbanda avec philosophie. « Ici, par exemple, les parents ne comprennent pas toujours l'importance des vaccins. Même s'ils le savent, certains disent que tel ou tel vaccin est nocif, et ne reviennent plus. Par exemple ils viennent pour la première dose du vaccin pentavalent [qui protège simultanément contre cinq maladies importantes : diphtérie, tétanos, coqueluche, hépatite B et Hæmophilus influenzae de type b (Hib), ndlr]. Mais ils ne reviennent pas pour la deuxième dose. Quand on leur demande, ils disent que l'enfant pleure la nuit après la piqûre et qu'ils ne dorment pas. Ils pensent qu'on les dérange. »

« Notre stratégie maintenant est de leur expliquer les avantages de ces vaccinations », selon le Papa Champion.

Outre les obstacles liés à la sensibilisation, les Papas Champions doivent également composer avec des conditions de travail parfois difficiles. Le retard de paiement des primes de motivation, le manque d'équipements adéquats comme des bottes et des vêtements imperméables devant leur permettre d’atteindre les zones à risque en périodes de pluie, rendent leur action sur le terrain plus compliquée.

Néanmoins, leur engagement reste indéfectible.

« Ils font un travail qui nous plait, et qui se sent sur le terrain en ce qui concerne surtout la recherche des enfants perdus de vue », souligne Djatcha Bawor, assistant d’hygiène d’Etat en poste à Kanyikopé. Et d’ajouter qu’il serait bien « de les motiver un peu plus et d’améliorer leurs conditions de travail ».

« Cette approche toujours maintenue, va permettre à toucher encore plus de parents qui continuent par résister à la vaccination de leurs enfants », conclut Messavi Pierre Adedje.


Suivez l'auteur sur Twitter : @NephLedy