Vaccination pour tous : les communautés peules du centre du Bénin mobilisées contre la COVID-19

Au Bénin, plusieurs groupes peuls constitués majoritairement d’éleveurs nomades, habitent en retrait des localités, dans des campements. C’est le cas des communautés peules de la région septentrionale, dans les localités de Parakou et Tchatchou, qui ont des besoins spécifiques en matière de vaccination.

  • 28 novembre 2022
  • 4 min de lecture
  • par Marie-Louise Bidias
Saré Penno, tisserande entourée de ses enfants à Tchatchou, avec un carnet de vaccination. Crédit : Marie-Louise Bidias
Saré Penno, tisserande entourée de ses enfants à Tchatchou, avec un carnet de vaccination. Crédit : Marie-Louise Bidias

 

Gorko Iya Amos est éleveur à Tchatchou, à plus de 6 heures de route de Cotonou. « Nous amenons nos troupeaux (bœufs, moutons et cabris) dans différents pâturages en saison sèche et revenons au campement en saison pluvieuse. Sur place, je suis aussi cultivateur » (igname, soja, maïs et acajou), explique-t-il en langue peule. Pendant que les éleveurs parcourent ces longues distances, en quête de pâturages pour les troupeaux, les femmes, les enfants, les personnes âgées et indigentes restent en place. Les maladies les plus courantes qui sévissent sont le paludisme et la fièvre typhoïde.

« Durant la pandémie de la COVID-19, les agents vaccinateurs sont venus fréquemment sensibiliser tout le campement, afin de nous inciter à aller nous vacciner. Malgré les appréhensions, beaucoup parmi nous sont vaccinés », affirme-t-il.

« Au début de la pandémie, chacun allait au Centre de santé de Tchatchou pour se vacciner. Mais plus tard, les agents vaccinateurs nous ont rassemblés et vaccinés sur place. Ici près de 90% de la communauté est vaccinée. »

En visite dans le campement, Ibrahim Arzèké, lui aussi peul, est un jeune entrepreneur trentenaire, originaire de Boukoussera (un ancien campement, aujourd’hui à moitié sédentarisé). « Je suis vacciné contre la COVID-19. A Boukoussera, les relais communautaires nous informent d’avance des dates des campagnes de vaccination. Les trois quarts de la population sont vaccinés. Toute ma famille (en tout 14 personnes) est vaccinée », poursuit-t-il.

Esther Orou Bodejo, ménagère, prône plutôt la présence régulière du personnel de santé. Pour cause : les difficultés d’accès et le prix élevé du transport jusqu’au Centre de santé de Tchatchou, pour lequel il faut débourser 500 F CFA (environ 0,76 Euro).

Non loin de là, Soumon est un autre campement éloigné des infrastructures de santé, situé en pleine forêt. Le délégué Alpha Djakpo ne tarit pas d’éloge sur la vaccination. « Au début de la pandémie, chacun allait au Centre de santé de Tchatchou pour se vacciner. Mais plus tard, les agents vaccinateurs nous ont rassemblés et vaccinés sur place. Ici près de 90% de la communauté est vaccinée. »

Des communautés bien structurées

La communauté est bien échelonnée. Le délégué entouré de ses conseillers gère le quotidien, mais fait souvent recours aux conseils des sages. Le lait de vache, l’un des aliments de base, est transformé en boisson, fromage, huile et yaourt. Ici, les éleveurs sont cultivateurs.

« Nous manquons d’électricité, et les plus nantis utilisent des panneaux solaires. En dehors de cela, la difficulté d’accès au campement en saison pluvieuse est un énorme handicap. Notre souhait est que le gouvernement nous installe de petits centres de santé de proximité », plaide Alpha Djakpo.

Communauté peule Bénin
Sanda Amadou et son épouse Taïrou au pâturage de Beyarou.
Crédit : Marie-Louise Bidias

Goudi Séphora et Seni Gomi, deux mères, s’expriment en peul pour décrire leur peine. Elles doivent se lever à 5h du matin et marcher pendant 30 mn pour d’atteindre le Centre de Santé.

En sortant de la ville de Parakou, d’autres campements peuls aussi sont présents, dont celui de Koumérou Gah, situé à 5 km. Gani Salifou Sabilou, facilitateur en langue peule, formule que les agents de santé ont dit qu’il fallait se rendre dans les centres de santé les plus proches (comme le Centre hospitalier départemental, l’hôpital d’Instruction des Armées-Centre hospitalier universitaire de Parakou) pour se vacciner.

Aux abords d’un pâturage de Beyarou, Sanda Amadou, éleveur, et son épouse Taïrou Léïna, reconnaissent tout ce qui est fait en matière de vaccination. « Il arrive que des agents de santé se déplacent jusqu’à nous, pour surtout vacciner les femmes qui seraient empêchées pour une raison ou une autre, mais aussi pour sensibiliser ». Car comme le dit le professeur titulaire Albert Tingbé Azalou, socio-anthropologue : « une vaste campagne d’information et de sensibilisation est une condition préalable de succès de tout programme de vaccination ».

Suivez l'auteur sur Twitter : @BIDIASMarie