Au Burkina Faso, vacciner les enfants zéro dose malgré l'insécurité

Au Burkina Faso, la crise sécuritaire a bouleversé les campagnes de vaccination dans les régions en proie aux attaques terroristes. Mais des agents de santé déploient plusieurs stratégies pour qu’aucun enfant n’échappe à la vaccination.

  • 15 septembre 2022
  • 5 min de lecture
  • par Abdel Aziz Nabaloum
Au centre de santé du secteur 6 de Kaya, des dizaines d’enfants reçoivent leur première dose de vaccin tous les jour. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
Au centre de santé du secteur 6 de Kaya, des dizaines d’enfants reçoivent leur première dose de vaccin tous les jour. Crédit : Abdel Aziz Nabaloum
 

 

Saoudatou Ouédraogo vient de passer une nuit au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) du secteur 6 de Kaya, une ville située à 100 km au Centre Nord de la capitale Ouagadougou et accueillant plus d’un million de personnes déplacées à cause de la crise sécuritaire. Son nourrisson au dos, elle n’a pas hésité, la veille, à rallier la vingtaine de kilomètres qui sépare Basm, son village, de cet hôpital pour que son bébé Samiratou reçoive sa première dose de vaccin BCG.

En ce début de journée du 5 septembre, il est 7 heures lorsqu’elle prend place dans le hall de la salle Prévention par la vaccination (PEV). « Elle a 4 mois et n’a reçu aucune dose de vaccin. Mon objectif, en fournissant ces efforts et en bravant le danger de rencontrer les groupes terroristes, est qu’elle ne rate plus aucune dose de ses vaccins parce que depuis six mois les trois centres de santé de mon village sont fermés », raconte-t-elle. « Je suis très heureuse parce que les vaccins qu’elle recevra désormais lui permettront d’être toujours en bonne santé », lance-t-elle tout sourire.

Avec la crise sécuritaire, des milliers d’enfants échappent aux campagnes de vaccination dans des zones en proie aux attaques terroristes et dans les camps de déplacés.

9 heures. Près d’une centaine de femmes ont déjà pris place dans le hall de la salle PEV. Pour la plupart déplacées, carnets en main, elles sont venues mettre à jour le calendrier vaccinal de leurs enfants.

Prévenir les maladies infectieuses et épidémiques

Son nourrisson de 7 mois au bras, Abibou Ouédraogo ne cache pas sa satisfaction d’avoir enfin fait vacciner son enfant. « J’ai quitté Pissila, à 20 km, pour venir la vacciner. Elle a eu toutes les doses de vaccins recommandées. Avec ce nouveau départ dans son programme vaccinal, elle sera épargnée de toutes les maladies infectieuses », se réjouit-elle.

Vaccination Burkina
Grâce à la sensibilisation, des femmes déplacées n’hésitent pas à venir vacciner leurs enfants.
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

« Depuis le début de la crise sécuritaire, par mois, nous vaccinons des centaines de bébés de femmes déplacées avec le BCG et les autres vaccins », confirme la cheffe de la PEV, l’agent itinérante de santé Zenabo Sawadogo.

Avec la crise sécuritaire, des milliers d’enfants échappent aux campagnes de vaccination dans des zones en proie aux attaques terroristes et dans les camps de déplacés.

« Notre objectif est de mettre à jour le calendrier vaccinal de tous mes enfants zéro dose en leur donnant tous les vaccins nécessaires à leur survie. Pour cela, notre équipe de vaccination travaille tous les jours », confie-t-elle.

Pour y parvenir, outre la sensibilisation dans les camps de déplacés, l’équipe de Zenabo Sawadogo n’hésite pas aussi sillonner les zones à risque pour retrouver et vacciner les enfants qui n’ont jusque-là reçu aucune dose de vaccins.

« Nous avons opté pour la stratégie avancée de vaccination, c’est-à-dire aller dans les zones dont les centres de santé sont fermés pour vacciner les enfants », révèle Mme Sawadogo. Cette stratégie, dit-elle, est payante, car elle leur a permis de réduire et de prévenir les maladies infectieuses et épidémiques comme la fièvre jaune, la rougeole, la polio, etc., qui déciment les enfants non-vaccinés.

« Malgré le risque, notre engagement est de permettre qu’aucun enfant ne rate les doses de vaccins nécessaires dans sa vie », confirme-t-elle. C’est pourquoi, outre la sensibilisation sur les avantages de la vaccination, son équipe multiplie les sorties de terrain pour atteindre tous les enfants zéro dose.

2000 enfants vaccinés par mois

« Dans les quartiers et villages, nous organisons des campagnes périodiques de vaccination avec les agents de santé à base communautaire pour rechercher les enfants non vaccinés. La stratégie est efficace. Cela permet de mettre à jour leur calendrier vaccinal. Car les parents sont à domicile et, par peur de représailles, ne peuvent pas venir dans les centres de santé avec les enfants. Lorsque, nous allons vers eux, nous leur donnons les carnets et administrons les antigènes aux enfants sur place. Parce que c’est la vaccination qui joue une grande partition dans leur prévention contre les maladies », confirme l’infirmier chef de poste du CSPS du secteur 6 de Kaya, Issa Sawadogo.

Vaccination Burkina
Cette fillette a désormais un carnet vaccinal à jour.
Crédit : Abdel Aziz Nabaloum

L’objectif est d’atteindre tous les enfants zéro dose dans les camps de déplacés et dans les zones à risque. « Au PEV, trois agents sont commis à la vaccination. Nous avons besoin d’agents pour pouvoir vacciner au centre de santé, mais aussi de rejoindre les enfants là où ils sont. Cela permettra qu’aucun enfant n’échappe à la vaccination. Grâce à notre monitoring, nous avons près de 2000 enfants zéro dose vaccinés par mois », indique-t-il.

M. Sawadogo se dit satisfait, car, leurs efforts contribuent à sauver des vies. « Beaucoup d’enfants de 4 ou 5 ans qui n’avaient reçu aucun antigène les ont reçus. Car les agents dans les zones périphériques galvanisent les parents pour vacciner leurs enfants ».

Parce que le défi, insiste-t-il, c’est de vacciner tous les enfants zéro dose.