Le Kenya étend l’utilisation du vaccin contre le paludisme
Après plus de trois ans de programme pilote du RTS,S, le premier vaccin contre le paludisme jamais approuvé par l’OMS va être étendu à d’autres régions d’Afrique de l’Est. Les résultats ont convaincu les autorités kenyanes, ce vaccin devient ainsi un élément supplémentaire dans la lutte contre cette maladie dans le pays.
- 25 avril 2023
- 5 min de lecture
- par Claudia Lacave
Il faut croire qu’il a fait ses preuves. Le gouvernement kenyan a annoncé début mars l’extension du vaccin RTS,S contre le paludisme, déjà testé dans le pays, à 25 sous-comtés de plus. « Au cours des trois dernières années, nous avons constaté une réduction spectaculaire du nombre de cas de paludisme et d'hospitalisations dues à la maladie dans les zones où le vaccin a été administré », a déclaré aux média nationaux la ministre de la Santé, Susan Wafula. Après 30 ans de recherches et de tests, l’injection porte de nombreux espoirs face à un fléau principalement africain : s’il n’est pas une solution miracle, c’est un outil supplémentaire bienvenu pour lutter contre une maladie qui fait des ravages.
Le Kenya fait partie des trois pays avec le Malawi et le Ghana qui ont testé à grande échelle le premier vaccin mis au point contre le paludisme, une maladie parasitaire en progression à l’origine du décès de 619 000 personnes dans le monde en 2021. Depuis septembre 2019, le pays d’Afrique de l’Est a fourni plus d’un million de doses à environ 400 000 enfants dans la région occidentale autour du lac Victoria, où les moustiques trouvent de nombreux espaces de reproduction. « Le paludisme est l’une des trois causes principales de décès chez l’enfant au Kenya, avec la pneumonie et la diarrhée », révèle le docteur Simon Kariuki, du Centre de recherche en santé mondiale (CRHG) de Kisumu, l’un des huit comtés où est menée l’évaluation.
Un outil de plus
Et les résultats sont là : dans la région endémique des lacs, la part des enfants de 6 mois à 14 ans atteints de paludisme a baissé de 27% en 2015 à 19% en 2020. Au niveau national, le rapport est descendu de 8% à 6%. Le programme pilote vise à tester le caractère inoffensif de l’utilisation du RTS,S sur un large échantillon de population, la facilité d’administration des quatre doses requises et le potentiel de réduction de la mortalité infantile car le vaccin est destiné aux enfants entre 5 et 17 mois. Le test a prouvé la sécurité de l’injection, mais aussi une adoption massive de la population avec 75% des enfants ayant reçu toutes les doses.
« Ce vaccin représente la première génération. Il existe une autre version actuellement en phase III d’essai clinique, informe le Dr. Kariuki. Les efforts sont toujours en cours pour mettre au point des vaccins de deuxième génération, qui seront encore plus efficaces. »
Mais l’efficacité du vaccin reste relative, d’où l’importance de continuer à financer les mesures classiques, comme les moustiquaires imprégnées d’insecticide. « Le vaccin a contribué à la réduction significative du poids du paludisme au Kenya mais il est difficile d'isoler son impact car nous déployons de nombreuses autres interventions », explique le docteur Sultani Matendechero, directeur adjoint du département de la santé publique et des normes professionnelles du ministère.
Avec la pulvérisation d’insecticide, le traitement préventif intermittent pour les femmes enceintes, les médicaments antipaludiques et la rapidité de diagnostic et de soins, les filets de protection sont les outils les plus importants contre la maladie. Pourtant, les ménages en possession d’un exemplaire ont fortement diminué, de 63% en 2015 à 49% en 2020, s’éloignant de l’objectif de 80% de couverture établi par la stratégie nationale de lutte contre le paludisme 2019-2023. Le ministère a annoncé le 19 avril la distribution prochaine de 18,3 millions de moustiquaires à destination de 28 comtés du pays dans le but défini de protéger 100% des personnes vivant dans des zones à risque grâce à l'accès à des interventions préventives appropriées.
Pour aller plus loin
Le défi du financement et du déploiement
Alors que l’OMS a pris la décision historique, le 6 octobre 2021, de recommander le vaccin produit et offert par le laboratoire pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline’s (GSK), le Kenya a attendu un an et demi et le financement de l’ONG PATH pour développer sa couverture vaccinale. « Bien que nous ayons comme volonté délibérée d'intensifier nos programmes de financement domestiques, nous continuons à tendre la main aux partenaires qui veulent travailler avec nous pour garantir la réalisation de nos objectifs », admet le docteur Sultani Matendechero.
En décembre 2021, Gavi, l’Alliance du vaccin, a approuvé 160 millions de dollars d’investissement pour déployer plus largement le RTS,S en Afrique sur la période 2022-2025 et en août dernier, c’était au tour de l’UNICEF de se positionner pour assurer l’approvisionnement de 18 millions de doses sur les trois prochaines années. Pendant que la maladie s’aggrave dans le monde – le nombre de cas a augmenté de 230 millions en 2015 à 257 millions en 2021, dont 95% en Afrique – l’espoir demeure.
« Ce vaccin représente la première génération. Il existe une autre version actuellement en phase III d’essai clinique, informe le Dr. Kariuki. Les efforts sont toujours en cours pour mettre au point des vaccins de deuxième génération, qui seront encore plus efficaces. »
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