Madagascar dans les starting blocks pour vacciner les jeunes contre la COVID-19

L’idée de vacciner les jeunes de 12 à 18 ans à Madagascar contre la COVID-19 a fait son chemin depuis quelque temps déjà. Le passage à l’acte attend l’avis des experts.

  • 22 août 2022
  • 5 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
A Antananarivo, les jeunes Malgaches attendent le feu vert pour se vacciner contre la COVID-19. Crédit : Rivonala Razafison
A Antananarivo, les jeunes Malgaches attendent le feu vert pour se vacciner contre la COVID-19. Crédit : Rivonala Razafison
 

 

Le fils unique d’un couple d’enseignants résidents d’Antananarivo ville a contracté la COVID-19 en janvier. « Il était traité à la maison et placé sous oxygène », raconte sa mère. L’adolescent de 15 ans est en bonne santé maintenant. Mais après avoir développé la forme grave en 2020 et en 2021, ses parents regrettent de ne pas pouvoir le faire vacciner si les doses pour les jeunes sont autorisées. « Notre médecin traitant, un pneumologue, nous déconseille les vaccins anti-COVID. Notre état de santé ne nous permet pas de le faire », dit la mère.

Une de ses cousines domiciliée à Ambohimangakely, dans la banlieue est d’Antananarivo, attend avec impatience la campagne de vaccination pour les jeunes. « J’ai trois enfants : deux filles et un garçon. L’aînée, aujourd’hui âgée de 21 ans, a déjà eu la première dose. Je ferai vacciner les deux autres [âgés respectivement de 17 ans et de 13 ans] le moment venu », clame-t-elle.

Dans ce cas de figure, le dignitaire se sert de son propre exemple et de celui de ses enfants pour démontrer que le vaccin contre la COVID-19 ne provoque pas la mort de celui qui le reçoit. Il déclare que c’est en multipliant les échanges que certains d’entre eux ont finalement accepté de se faire vacciner.

L’âge moyen de la population malgache est de 22,4 ans et la moitié de la population a moins de 18 ans.

« Je suis prête à me faire vacciner contre la COVID-19 si les doses pour nous sont disponibles », dit sans hésitation Marie Murielle Razafinirina, 15 ans, en présence de sa mère. Mais cette collégienne de Morarano Gara, Moramanga, affirme n’avoir eu aucune occasion de discuter avec ses amis au sujet des vaccins anti-COVID.

Les jeunes attendent le feu vert

Les partenaires à l’instar des Etats-Unis, qui ont fourni à la Grande île plus de 2,1 millions de doses depuis juillet 2021, poussent le pays à prendre la décision. « Nous attendons avec impatience une décision prochaine du gouvernement de Madagascar pour élargir l’éligibilité des vaccins aux jeunes de 12 à 18 ans. Nous savons que la vaccination généralisée est la voie la plus sûre pour se remettre de cette pandémie, reconstruire nos communautés et redynamiser nos économies », a lancé l’ambassadrice américaine à Antananarivo, Claire Annette Pierangelo, lors de l’Independence Day du 4 juillet dernier.

Dix jours plus tard, le ministère malgache de la Santé publique et l’OMS avec tous les partenaires techniques et financiers, l’UNICEF Madagascar, l’USAID Madagascar et la Banque mondiale, ont lancé le Groupe technique consultatif sur la vaccination (GTCV Madagascar). La nouvelle structure est chargée d’émettre des avis et recommandations scientifiques et techniques à même d’orienter la définition et la mise en œuvre des politiques et stratégies nationales de vaccination.

Ses membres sont de grandes personnalités, de nationalité malgache, reconnues et choisies dans leurs domaines de spécialités selon leurs compétences et travaillent en complémentarité avec les membres d’office et les membres de liaison représentant respectivement le ministère, les autres ministères et les organisations nationales et internationales.

La volonté d’étendre la campagne de vaccination aux 12-18 ans se laisse percevoir à travers le discours du Dr Laurent Musango, représentant de l’OMS à Antananarivo. « Un monde où tout le monde, partout, à tout âge, bénéficie pleinement des vaccins pour une bonne santé et le bien-être », a-t-il souligné lors du lancement du GTCV Madagascar.

Une campagne de vaccination potentiellement massive

L’âge moyen de la population malgache est de 22,4 ans et la moitié de la population a moins de 18 ans. La proportion des adolescents selon la définition de l’UNFPA (12-19 ans) est de 20%. Ce groupe pourrait donc être une cible privilégiée pour atteindre un taux de couverture vaccinale de 50,50 % en 2023 contre 8,8 % à la date du 13 juillet.

Au départ, l’avis de l’Académie nationale de médecine de Madagascar prime dans la prise de décision gouvernementale. Le Pr Ange Andrianarisoa, son président en exercice, souligne que son équipe s’est déjà penchée sur la possibilité de faire vacciner les adolescents de 12 à 18 ans à Madagascar. « Nous n’avons pas encore pris la décision », précise-t-il.

La stratégie à mettre en œuvre pour convaincre les parents à faire vacciner leurs enfants ne diffèrera pas beaucoup de celle pour les adultes, selon Sahondra Ramahatra, directrice de la communication auprès du ministère de la Santé publique. Dimby Zakaharisoa, éducateur à Morarano Gara, donne son point de vue personnel dans ce sens. « Il serait mieux de rappeler les bienfaits des vaccins sur les infections évitables par les vaccins », observe-t-il.

Plus concrètement, il suggère d’aller sur le terrain pour sensibiliser la communauté, l’usage des dessins montrant les risques auxquels sont exposés les enfants non vaccinés et le recours à des spots radio et TV. Il préconise aussi les témoignages quant à l’état de santé des enfants vaccinés.

Partant, Lanto Ratsida, secrétaire exécutif et fondateur en 2015 de l’Observatoire de la Jeunesse à Madagascar, a plus les yeux rivés sur les parents que les enfants. « Convaincre les jeunes sera facile si les parents sont convaincus », confie-t-il. Il croit aussi à l’effet probable de l’entre-soi et l’approche par les pairs. « Ce sera aux jeunes entre eux de sensibiliser leurs pairs. Ceux qui seront convaincus se lanceront dans la campagne », anticipe le sociologue de formation.

L’aspect juridique est un paramètre à prendre en compte. « Toute forme de forcing est à bannir car chacun est libre de disposer de son corps. Mais le gouvernement pourra mener des campagnes de sensibilisation en vertu de l’intérêt supérieur de l’enfant », souligne Noro Harimisa Razafindrakoto, magistrate à la Cour suprême de Madagascar, experte en droits des enfants et ancienne ministre de la Justice.