Comment de nouveaux vaccins pourraient révolutionner notre relation avec la tuberculose
Un nouveau vaccin contre la tuberculose, actuellement en phase finale de développement, suscite de grands espoirs, mais d’autres candidats ne sont pas loin derrière.
- 20 juin 2025
- 6 min de lecture
- par Linda Geddes

La tuberculose (TB) est un fléau pour l’humanité depuis des millénaires et reste la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde. Bien qu’il existe depuis longtemps un vaccin largement abordable et partiellement efficace, de nouveaux vaccins sont nécessaires de toute urgence.
La nouvelle selon laquelle un vaccin potentiellement révolutionnaire – dont beaucoup espèrent qu’il pourrait être le premier nouveau vaccin contre la tuberculose depuis un siècle – a atteint plus tôt que prévu son objectif de recrutement pour les essais cliniques, suscite naturellement l’optimisme. Et il n’est pas seul : plusieurs autres candidats le suivent de près.
Que pourraient donc signifier ces vaccins de nouvelle génération dans les années à venir quant à la façon dont nous vivons avec la tuberculose et dont nous nous défendons contre elle ?
Fléau ancestral
Toutes les trois minutes, la tuberculose tue silencieusement trois nouvelles personnes, ce qui en fait la première cause de mortalité infectieuse dans le monde.
Sur la seule année 2021, 10,6 millions de personnes ont été diagnostiquées avec la tuberculose et 1,6 million en sont mortes. Bien que la maladie soit guérissable grâce aux antibiotiques, des millions de personnes passent encore à travers les mailles du filet, sans avoir été diagnostiquées, sans avoir été traitées ou en étant confrontées à des formes de tuberculose qui ne répondent plus aux antibiotiques standard.
Le seul vaccin actuellement utilisé à grande échelle, le BCG, offre une protection modérée contre les formes graves de tuberculose chez les nourrissons et les jeunes enfants, notamment la tuberculose cérébrale (méningite) et la tuberculose miliaire – où la bactérie se propage dans la circulation sanguine et affecte plusieurs organes.
Mais pour les adolescents et les adultes, qui sont responsables de la plus grande partie de la transmission, son efficacité diminue. Le vaccin BCG n’empêche pas non plus la transmission de la tuberculose pulmonaire, qui affecte les poumons. De nouveaux vaccins pourraient changer la donne.
« Nous espérons qu’un nouveau vaccin contre la tuberculose ciblant les adolescents et les adultes pourrait faire baisser les chiffres de manière significative », déclare la Dre Marta Tufet Bayona, Directrice des politiques à Gavi, l’Alliance du Vaccin.
Lorsque Gavi a récemment évalué l’impact potentiel de ces vaccins dans les pays qu’elle soutient, elle a estimé que l’administration d’un vaccin contre la tuberculose dans le cadre de la vaccination systématique des jeunes âgés de quinze ans pourrait permettre d’éviter 201 000 à 230 000 décès et 64 à 73 millions d’années de vie en bonne santé perdues entre 2026 et 2040.
Des chercheurs de l’école de santé publique Harvard T.H. Chan de Boston, aux États-Unis, ont également suggéré qu’un vaccin efficace contre la tuberculose pour les adolescents et les adultes pourrait produire des bénéfices économiques à hauteur de 474 milliards de dollars US d’ici 2050.
Le vaccin en tête de liste
Bien qu’il y ait au moins 20 vaccins candidats contre la tuberculose pour les adultes et les adolescents dans le pipeline clinique, le vaccin M72/AS01E (M72) fait office de grand favori.
Il est formulé autour d’une protéine de fusion appelée M72, qui combine des fragments de deux protéines présentes dans Mycobacterium tuberculosis, la bactérie responsable de la tuberculose. Pour renforcer la réponse immunitaire de l’organisme, le vaccin contient également un adjuvant appelé AS01E, qui est également utilisé pour renforcer les réponses immunitaires au vaccin RTS,S contre le paludisme, au vaccin contre le virus respiratoire syncytial (VRS) pour les adultes et au vaccin Shingrix contre le zona.
Les résultats de son essai de phase 2b portant sur plus de 3 500 adultes séronégatifs dans des pays où la tuberculose est très répandue, ont été encourageants, mais doivent être interprétés avec prudence.
Chez ces adultes, que l’on pensait déjà infectés par la bactérie (les bactéries de la tuberculose peuvent rester dormantes pendant de nombreuses années), le vaccin a réduit de moitié le risque de développer une tuberculose active au cours des trois années suivantes par rapport au placebo, avec une efficacité estimée à 50 %.
Un essai de phase 3 du vaccin M72 chez les adolescents et les adultes a débuté en mars 2024, les 20 000 participants ayant été recrutés dans 54 sites en Afrique du Sud, au Kenya, au Malawi, en Zambie et en Indonésie.
Bien que les chercheurs aient prévu qu’il faudrait jusqu’à deux ans pour recruter le nombre cible de participants, l’étude a atteint son objectif plus tôt que prévu, marquant ainsi une étape importante dans l’effort mondial de lutte contre la tuberculose.
« Les délais sont encore incertains, car l’essai dépend de l’évolution naturelle de la maladie chez les participants, et le rythme auquel cette évolution se produit peut varier, mais avoir réussi à recruter des participants aussi rapidement dans tous les sites est réellement positif », a déclaré la Dre Marta Tufet Bayona. « Il est important de noter que les personnes tombant malades pendant l’essai recevront le traitement recommandé. »
Si les essais du vaccin M72 sont concluants, il faudra encore plusieurs années pour que le vaccin soit plus largement disponible. « Selon les estimations, une homologation pourrait intervenir d’ici 2030, mais pour que Gavi soutienne un programme de vaccination, le vaccin devra également obtenir la préqualification de l’OMS et une recommandation du Groupe stratégique consultatif d’experts sur la vaccination (SAGE) de l’OMS », explique la Dre Marta Tufet Bayona.
Questions en suspens
Même lorsque les vaccins présentent des résultats prometteurs lors de l’essai de phase 3, le SAGE peut demander des études supplémentaires pour répondre aux questions clés en suspens.
Par exemple, après la publication des résultats de la phase 3 du vaccin contre le paludisme RTS,S en 2015, le SAGE a cherché à obtenir des données réelles sur la faisabilité de son introduction, l’adoption du calendrier à quatre doses, son innocuité, l’impact sur les décès et le rapport coût-efficacité. Ces études pilotes, lancées en 2019, ont fourni des données probantes essentielles qui ont permis à l’OMS de recommander, en 2021, une utilisation plus large dans les zones où la transmission du paludisme est modérée à élevée.
Dans le cas d’un vaccin candidat contre la tuberculose tel que le M72, destiné à protéger les adolescents et les adultes, des questions peuvent se poser quant à la faisabilité de son introduction dans le cadre d’un programme de vaccination systématique des adolescents de 15 ans, par exemple.
« Contrairement aux nourrissons, les adolescents ne sont pas concernés par les systèmes de vaccination systématique existants. Il s’agit d’enfants en bonne santé ; ils ne vont pas nécessairement à l’école ou ne se rendent pas régulièrement dans les cliniques, ce qui pose de réelles interrogations en termes de faisabilité », explique la Dre Marta Tufet Bayona.
Bien que Gavi ne se soit pas engagée à financer des programmes de lutte contre la tuberculose au cours de sa prochaine période stratégique (2026–2030), son Conseil d’administration a recommandé que des travaux préparatoires soient menés pour évaluer comment un nouveau vaccin potentiel contre la tuberculose pour les adultes et les adolescents pourrait être intégré de manière fluide dans les services de santé existants, le rapport coût-efficacité de cette intégration et la demande probable pour ces vaccins, si et quand ils seront lancés, afin de contribuer à garantir que l’offre de vaccins puisse répondre à cette demande.
Pour aller plus loin
Autres candidats
Le M72 n’est pas le seul vaccin candidat contre la tuberculose à susciter l’enthousiasme. Il est suivi de près par le MTBVAC, un vaccin vivant atténué dérivé de la M. tuberculosis, qui fait actuellement l’objet d’essais de phase 3 sur des nouveau-nés dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, tandis qu’un essai de phase 3 ciblant les adolescents et les adultes devrait débuter en Inde dans le courant de l’année 2025.
Un essai clinique de phase 3 du vaccin VPM1002 contre la tuberculose a également débuté en Inde, ciblant les adolescents et les adultes. Ce vaccin candidat est basé sur une version affaiblie de la bactérie Mycobacterium bovis utilisée dans le vaccin BCG existant.
Plusieurs autres vaccins candidats font également l’objet d’essais cliniques chez des volontaires humains. Il s’agit là d’une bonne nouvelle pour les pays les plus touchés par la tuberculose, où l’approbation de nouveaux vaccins contre cet ennemi ancestral ne saurait arriver trop tôt.
L’idéal serait qu’il y ait plusieurs nouveaux vaccins, ce qui permettrait de répondre à la demande une fois qu’ils auront été approuvés. Les dernières nouvelles concernant le vaccin M72 constituent un pas en avant, certes modeste mais encourageant, vers cet objectif.