Portrait vaccinal : le vaccin contre la coqueluche

Avant que la vaccination contre cette maladie ne devienne systématique, la coqueluche tuait deux fois plus d'enfants que la rougeole et la poliomyélite réunies. Pour écarter cette menace, il faut maintenir une couverture vaccinale élevée.

  • 17 août 2023
  • 6 min de lecture
  • par Linda Geddes
Représentation en 3D de Bordetella pertussis, bactérie responsable de la coqueluche
Représentation en 3D de Bordetella pertussis, bactérie responsable de la coqueluche
 

 

À la fin de l'hiver 1501, les enfants de Rey (près de l'actuelle Téhéran) furent frappés par une violente toux, comme jamais les habitants de la ville n'en avaient vu auparavant. « La toux était si intense qu'elle allait jusqu’à provoquer des vomissements, entraîner une grande faiblesse et une telle douleur thoracique que les petits enfants se tenaient la poitrine en gémissant », a écrit le médecin persan Bahā' al-Dawlah Rāzī.

Même si la couverture vaccinale est globalement élevée, la coqueluche reste l'une des principales causes de décès évitables par la vaccination dans le monde.


Ces propos, publiés dans le Khulāsāt al-tajārib (Le résumé des expériences) de Rāzī - l'un des manuels médicaux les plus complets de son époque - sont considérés comme l'une des premières descriptions médicales de la coqueluche, infection respiratoire extrêmement contagieuse qui tue encore chaque année 160,000 enfants environ – pour la plupart avant l’âge d'un an, c’est-à-dire avant qu’ils ne soient complètement immunisés.

Avant la mise au point du vaccin, la coqueluche était beaucoup plus meurtrière. Elle tuait un enfant sur dix soit environ deux fois plus d'enfants que la rougeole et la poliomyélite réunies.

L'introduction de la vaccination systématique a permis de diviser par 150 le nombre de cas, mais la coqueluche reste une cause majeure de mortalité infantile dans le monde. Elle est également en augmentation dans les pays développés, en raison d'une couverture vaccinale incomplète et de l'affaiblissement progressif de la protection offerte par le vaccin, imparfait même s’il est très efficace.

La toux de 100 jours

La coqueluche est causée par une bactérie dénommée Bordetella pertussis, qui se transmet d’un individu à l’autre par les gouttelettes respiratoires émises lors de la toux, des éternuements ou de la simple respiration des sujets infectés. Ces bactéries libèrent des toxines qui peuvent endommager de minuscules extensions, fines comme des cheveux, appelées cils, présentes sur les cellules qui tapissent les voies respiratoires supérieures (nez, gorge et partie supérieure de la trachée), et provoquer un œdème des voies respiratoires.

La maladie débute généralement par des symptômes bénins, semblables à un rhume, avec une faible fièvre. Puis apparaît la toux qui s'aggrave progressivement, aboutissant parfois à des quintes violentes et rapides. Celles-ci sont souvent suivies d'un bruit semblable au "chant du coq" lorsque le sujet atteint reprend son souffle.

Ces épisodes de toux peuvent être violents au point de provoquer des vomissements, et le malade peut avoir les lèvres bleues alors qu’il cherche à reprendre son souffle. La toux est souvent plus forte la nuit et peut durer jusqu'à 10 semaines ou plus - en Chine, la coqueluche est connue sous le nom de "toux de 100 jours".

On estime à 24,1 millions le nombre de cas de coqueluche dans le monde chaque année. Les adultes et les enfants peuvent tous être infectés, mais la maladie est plus dangereuse pour les bébés qui, même s’ils ne toussent pas, peuvent faire un arrêt respiratoire, devenir bleus et avoir des convulsions ou subir des lésions cérébrales. Environ la moitié des nourrissons infectés de moins d'un an ont besoin d’être hospitalisés.

Les humains sont probablement en contact avec B. pertussis depuis des millénaires, mais il semble que cette maladie ne soit devenue une menace sérieuse pour la santé humaine qu'au cours des 500 dernières années. Plusieurs épidémies, outre celle de Rey, ont été enregistrées, notamment en Angleterre en 1540, et à Paris, en France, en 1578. Au début du XXe siècle, la coqueluche était l'une des maladies infantiles les plus courantes et l'une des principales causes de mortalité infantile aux États-Unis, avec plus de 200 000 cas signalés chaque année.

La mise au point de vaccins

La bactérie responsable de la coqueluche, Bordetella Pertussis, a été isolée pour la première fois en 1906, ce qui a permis de mettre au point un vaccin. Bien que ces travaux aient débuté dans les années 1920 et 1930, c’est seulement en 1939 qu'un vaccin efficace a été obtenu à partir de la bactérie entière inactivée. À la fin des années 1940, ce vaccin a été combiné aux toxines inactivées (ou anatoxines) produites par les bactéries responsables de la diphtérie et du tétanos pour créer le vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche à germes entiers (DTCe), qui a été largement adopté peu de temps après.

Bien que très efficace, le vaccin contre la coqueluche a été modifié dans les années 1980 afin de réduire l'incidence des effets secondaires bénins, tels que la fièvre et la douleur au point d'injection. La nouvelle formulation, connue sous le nom de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche acellulaire (DTCa), utilise des fragments purifiés de B. pertussis, plutôt que les bactéries entières inactivées.

Le DTC à germes entiers reste toutefois un vaccin sûr, peu coûteux et efficace. Il est encore utilisé dans de nombreux pays parce qu'il génère un taux plus élevé d'anticorps contre la toxine de la coqueluche et qu'il est donc associé à une plus grande efficacité.

D'autres formulations de vaccins contre la coqueluche sont également disponibles, comme les vaccins combinés quadrivalents, pentavalents et hexavalents, qui offrent une protection supplémentaire contre Haemophilus influenzae de type b, l'hépatite B et/ou le virus de la poliomyélite.

Couverture mondiale

En 2019, environ 85 % des nourrissons de la planète (soit environ 116 millions d'enfants) ont reçu les trois doses recommandées de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche, et 125 États membres de l'Organisation mondiale de la Santé ont atteint une couverture d'au moins 90 %. Dans de nombreux pays, cette couverture a été obtenue grâce au vaccin pentavalent cinq-en-un, qui protège également contre l'hépatite B et Haemophilus influenzae de type B (Hib). Grâce au soutien de Gavi, ce vaccin est actuellement disponible dans les 73 pays les plus pauvres du monde.

Malgré une couverture vaccinale globalement élevée, la coqueluche reste l'une des principales causes de décès évitables par la vaccination dans le monde. La plupart de ces décès surviennent chez de jeunes bébés non vaccinés ou incomplètement vaccinés, en majorité dans les pays africains.

Le traitement fait généralement appel aux antibiotiques, qui permettent à la fois de contrôler les symptômes et d'empêcher la transmission. Ces antibiotiques sont d'autant plus efficaces qu'ils sont administrés dans les trois premières semaines de l'infection, lorsque les bactéries se répliquent encore dans l'organisme. Après cela, les cellules qui tapissent les voies respiratoires sont déjà endommagées.

Une menace croissante

L’incidence de la coqueluche augmente également dans les pays riches tels que les États-Unis. Cela peut s'expliquer par le fait que l'immunité conférée par le vaccin acellulaire (DTCa) s'estompe plus rapidement que celle conférée par le vaccin à germes entiers (DTCe). Il faut donc administrer des injections de rappel pour éviter les infections à l'adolescence ou à l'âge adulte. Aux États-Unis, la moitié des infections par la coqueluche surviennent actuellement chez les personnes âgées. Même si la maladie est moins grave chez elles, elles peuvent transmettre l'infection aux nourrissons et aux jeunes enfants vulnérables.

Pour réduire ce risque, certains pays, dont les États-Unis, recommandent d’administrer aux femmes enceintes une injection de rappel, sous la forme du vaccin DTCa. Les rappels sont également recommandés pour les personnes en contact étroit avec les nourrissons (pères, grands-parents et personnes s'occupant des enfants).

Comme l’indique la récente résurgence des cas, même un vaccin très efficace ne suffit pas à éliminer complètement la coqueluche. Il est toutefois possible de réduire considérablement le nombre de vies fauchées par cette maladie, en veillant à ce que chaque enfant ait accès à ces vaccins et reçoive bien les vaccinations de rappel nécessaires.