La prochaine pandémie : le virus Nipah ?

Le virus Nipah peut tuer jusqu’à trois personnes infectées sur quatre. La chauve-souris frugivore porteuse du virus entrant souvent en contact avec l’homme, nous expliquons ici pourquoi le développement de médicaments et de vaccins contre la maladie devient de plus en plus urgent.

  • 13 octobre 2023
  • 5 min de lecture
  • par Priya Joi
Virus Nipah - illustration 3D
Virus Nipah - illustration 3D

 

Le virus Nipah peut tuer jusqu’à trois personnes infectées sur quatre. La chauve-souris frugivore porteuse du virus entrant souvent en contact avec l’homme, nous expliquons ici pourquoi le développement de médicaments et de vaccins contre la maladie devient de plus en plus urgent.


Lorsque Lini Puthussery, infirmière au Kerala, dans le sud de l’Inde, a su qu’elle allait mourir du virus Nipah, elle a griffonné une note à l’intention de son mari. « Je crois que je ne te reverrai pas. Je suis désolée. Prends soin de nos enfants. » Lini a passé plusieurs jours et plusieurs nuits à s’occuper d’une famille de trois personnes qui est arrivée à l’hôpital avec une pathologie ressemblant à une encéphalite que les médecins n’avaient jamais vue auparavant. Par chance, les membres d’un important laboratoire de l’État du Kerala venaient tout juste d’être formés par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains à la détection du Nipah, ce qui a permis d’identifier rapidement le virus.

L’épidémie de 2018 a tué 17 personnes sur les 19 infectées, soit un taux de mortalité de 89 %. Le Kerala a réagi rapidement et un agent de santé formé aux protocoles de lutte contre l’épidémie du virus Ebola a été chargé de veiller à ce que l’ensemble de l’État isole les patients suspectés d’être atteints par le virus Nipah. Ils ont par ailleurs renforcé les protocoles relatifs au port du masque par le personnel de santé et à la décontamination des surfaces. En 2019, lorsqu’un nouveau cas a été signalé au Kerala chez un jeune étudiant, un vaste système de recherche de cas-contacts a été déployé, ce qui a permis de tester rapidement 329 personnes ayant été en contact avec le patient, évitant ainsi une propagation plus importante. Il n’y a eu aucun décès à déplorer.

Mais tous les États indiens ne disposent pas des ressources du Kerala. Si le virus se propage à d’autres régions de l’Inde et au-delà, il est fort probable qu’il se transforme en épidémie ou en pandémie. Même si des taux de létalité élevés peuvent parfois empêcher les maladies de se propager, parce qu’ils signifient que le ou la patient(e) meurt avant même d’avoir eu la possibilité de transmettre le virus à d’autres personnes, si le virus venait à muter pour se propager plus facilement entre les personnes, le résultat serait probablement incroyablement dévastateur.

Maladie : Nipah

Où le virus circule-t-il ? En Asie du Sud-Est, avec des foyers au Bangladesh, en Inde, en Malaisie et à Singapour

Menace de pandémie : élevée. Dans de nombreux pays d’Asie du Sud-Est, les possibilités de transmission du virus des chauves-souris à d’autres animaux et à l’homme sont infinies. Les chauves-souris frugivores vivent dans les arbres à proximité des marchés, des lieux de culte, des écoles et des sites touristiques. Le guano de chauve-souris est également utilisé comme engrais dans les champs, ce qui signifie que les agriculteurs et les travailleurs agricoles sont potentiellement en contact fréquent avec le virus. Dans la « ceinture du Nipah », à la frontière entre le Bangladesh et l’Inde, des épidémies se déclarent régulièrement, et des recherches récentes indiquent que les chauves-souris sont porteuses du virus dans tout le Bangladesh, ce qui laisse supposer que des foyers non détectés pourraient se déclarer. Toutefois, les connaissances quant à l’origine du Nipah sont extrêmement faibles, même là où des épidémies se déclarent ; une enquête menée au Cambodge a révélé que 60 % des personnes ne savaient pas que les chauves-souris, ou les « renards volants » comme on les appelle parfois, propageaient le virus. Cependant, 60 % de la population mondiale vivant dans la région d’origine du Nipah, et la déforestation et les changements environnementaux continuant à rapprocher les hommes, le bétail et la faune sauvage, le risque de contagion s’accroît. Le taux de mortalité de la maladie est si élevé que de nombreux gouvernements la considèrent comme une menace bioterroriste et limitent les laboratoires autorisés à la cultiver et à l’étudier.

Comment le virus se propage-t-il ? Le virus Nipah vit parmi les chauves-souris frugivores de la famille des Pteropodidae. Il peut se transmettre à l’homme, souvent en mangeant ou en buvant des produits contaminés par des excréments de chauves-souris frugivores. Par exemple, les chauves-souris vivent dans les dattiers et la consommation de produits à base de dattes peut entraîner une infection. Il infecte en outre facilement un grand nombre d’espèces animales – une épidémie qui a touché des agriculteurs en Malaisie en 1998 est apparue chez des porcs qui avaient été auparavant infectés par des chauves-souris. La maladie peut également se transmettre entre les hommes, et la théorie est que le virus peut se déplacer dans les sécrétions respiratoires, comme celles expulsées par la toux, et la salive. La plupart des infections semblent provenir de patients infectés qui présentaient des problèmes respiratoires, ce qui tend à confirmer cette théorie.

Taux de létalité : entre 40 % et 75 %.

Période d’incubation : en moyenne 5 à 14 jours, mais dans certains cas extrêmes jusqu’à 45 jours, ce qui implique qu’une personne infectée a largement le temps de contaminer d’autres personnes sans le savoir.

Symptômes : le virus peut provoquer une infection respiratoire aiguë et une encéphalite (inflammation du cerveau) susceptibles de plonger les patients dans le coma ou de conduire au décès. La fièvre, les maux de tête, les myalgies (douleurs musculaires), les vomissements et les maux de gorge font partie des autres symptômes. Il peut s’ensuivre des vertiges, une somnolence et des troubles de la conscience. Une personne sur cinq qui survit peut développer des troubles épileptiques et une altération de la personnalité.

Diagnostic : les principaux tests utilisés sont la réaction en chaîne par polymérase en temps réel (RT-PCR) à partir des fluides corporels et la détection d’anticorps par dosage immuno-enzymatique (ELISA). D’autres tests sont utilisés, notamment les tests PCR et l’isolement du virus par culture cellulaire. Ces tests sont rarement adaptés à une utilisation dans les régions isolées et rurales, où se produisent la plupart des épidémies et où les capacités de confinement font défaut.

Existe-t-il des vaccins ou des traitements, ou des travaux de R&D sont-ils en cours ? Il n’existe ni vaccin, ni traitement mais une étude clinique de phase 1 d’un candidat vaccin contre le virus Nipah (HeV-sG-V) a débuté en février 2020 et devrait s’achever en septembre 2021. La Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI) a investi 25 millions de dollars en 2018 pour lancer une étude initiale sur l’innocuité, gérée par Auro Vaccines LLC et dirigée par PATH, et menée au Centre médical de l’hôpital pour enfants de Cincinnati, aux États-Unis. Le vaccin sera testé sur des adultes en bonne santé âgés de 18 à 49 ans afin d’en évaluer l’innocuité et la capacité du vaccin à déclencher une réponse immunitaire.

Comment pouvons-nous réduire le risque de pandémie ?

Outre l’amélioration des diagnostics, les thérapies et les vaccins, une surveillance beaucoup plus efficace est nécessaire pour identifier et qualifier rapidement les cas, entreprendre la recherche des cas-contacts, étudier les retombées et mieux comprendre comment les chauves-souris hébergent l’infection par le virus Nipah et infectent d’autres animaux. Les communautés locales doivent également être mobilisées, à la fois par des actions de sensibilisation visant à réduire les comportements à risque susceptibles de mettre les personnes en contact avec des sources potentielles d’infection et par la mise en place de mesures de prévention et de contrôle de l’infection dans les établissements de santé afin de limiter la propagation. Une meilleure gestion des ressources naturelles, en particulier des forêts et des pâturages, pourrait également prévenir les débordements.

Pour en savoir plus sur le Nipah, voici la fiche d’informations de l’OMS : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/nipah-virus