Le Cameroun lance une campagne de vaccination acharnée pour vaincre la rage

Cette campagne, bénéficiant d'importantes allocations de vaccins de la part des partenaires internationaux engagés dans la lutte mondiale contre la rage, vise à vacciner plus de 70 % de la population canine afin d'éliminer progressivement cette maladie mortelle.

  • 10 novembre 2023
  • 6 min de lecture
  • par Nalova Akua
Beaucoup de Camerounais se sont mobilisés lors de la Journée mondiale contre la rage le 28 septembre pour faire vacciner leurs chiens. Crédit : PNPLZER Cameroun
Beaucoup de Camerounais se sont mobilisés lors de la Journée mondiale contre la rage le 28 septembre pour faire vacciner leurs chiens. Crédit : PNPLZER Cameroun
 

 

Briser la chaîne de transmission de la rage

Thunder semble plus mature que ses neuf mois. Le bouledogue noir de race mixte dégage une maturité et une férocité rares. Selon son maître, le secret de son bien-être réside dans le strict respect de ses besoins nutritionnels et vaccinaux.

« Je nourris mon chien autant de fois que possible, dépensant environ 70 000 FCFA (environ 114 USD) chaque mois pour ses repas », explique Bar Tebug, 28 ans, qui vit avec son chien à Yaoundé, la capitale du Cameroun. « Je l'ai déjà fait vacciner il y a deux mois (pour la deuxième fois) et je compte le refaire dans six mois. La vaccination coûte au moins 20 000 FCFA (environ 32 dollars) », dit-il. Tebug pense que Thunder aurait causé « beaucoup de mal » s'il n'avait pas été vacciné contre la rage. « Il a déjà mordu un locataire », dit-il. Tebug a pris l'initiative de vacciner régulièrement son animal plutôt que d'attendre des campagnes de vaccination de masse gratuites.

Le Cameroun a lancé, le 28 septembre 2023, une campagne de vaccination gratuite contre la rage, dans le cadre de la célébration de la 17ème édition de la Journée mondiale contre la rage, célébrée sous le thème « tous pour un, santé pour tous ». Bien qu'initialement prévue pour se terminer le 15 octobre, la campagne est toujours en cours dans les régions qui disposent encore d'un stock de vaccins. Objectif : vacciner plus de 70 % de la population canine. Avant la vaccination proprement dite, des responsables du ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (MINEPIA) dans les dix régions du Cameroun ont sensibilisé les populations à travers les médias, dans les lieux de rassemblement tels que les marchés à bétail, les mosquées, les églises, les chefferies.

« Nous vaccinons tous les animaux de compagnie : chiens, chats, singes, car ce sont des animaux qui sont plus proches de l'homme et peuvent facilement transmettre cette maladie. Nous continuerons à vacciner jusqu'à épuisement des stocks de vaccins »

« Les quantités de vaccin reçues ne suffisent pas pour satisfaire la demande » tant les propriétaires d’animaux de compagnie sont en demande de vaccination contre la rage, explique le Dr Amadou Lahamdi, délégué régional du MINEPIA dans l’Extrême Nord du Cameroun. « En effet, l’estimation du nombre d’animaux de compagnie dans la région est de 229 960. » Le spécialiste de la santé animale ajoute que l’organisation de la campagne de vaccination gratuite permet de « venir en aide aux populations vulnérables » et assure ainsi une bonne couverture vaccinale.

Un individu observe un vétérinaire administrer un vaccin à son singe à Douala, dans la région du Littoral du Cameroun. 
Crédit : Fotzo Sandra

Bien que la situation sanitaire reste sous contrôle dans la région de l’Extrême Nord, explique le Dr Lahamdi, le contact entre les animaux sauvages et les animaux de compagnie entraîne la résurgence des cas de rage. C'est précisément pour cette raison que la lutte se base sur le concept « une seule santé », intégrant à la fois l'environnement, la santé animale et la santé humaine. Il ajoute que l'organisation de cette campagne de vaccination permet enfin de briser la chaîne de transmission de la maladie entre les animaux et les êtres humains, car un animal non vacciné représente un danger pour d'autres animaux et pour les humains.

« Pour atteindre nos objectifs de vaccination, nous multiplions des stratégies de sensibilisation auprès des élèves dans les établissements scolaires afin de leur montrer les dangers encourus en cas de non-vaccination des animaux de compagnie contre la rage. La vaccination gratuite vient en réalité en appui à celle pratiquée dans les cabinets vétérinaires privés », explique le Dr Lahamdi.

Ne laisser aucun animal pour compte

La Région du Nord du Cameroun a de son côté presque épuisé tout le stock de 9500 doses de vaccins contre la rage, endémique dans la région. « Il ne nous reste que 256 doses et la vaccination est toujours en cours », confirme le Dr Erayavai Bouba Françoise Sali, déléguée régionale du MINEPIA pour le Nord.

« Nous recevons très souvent des chiens mordeurs qui sont mis en observation, car c'est une étape importante pour déterminer si le chien mordeur était enragé, afin que le mordu soit pris en charge au plus vite », explique-t-elle.

Le Dr Soussai Fandai Ornelle, chef du service régional des services vétérinaires à la délégation régionale de MINEPIA pour le Centre, révèle que les propriétaires d'animaux se sont montrés très réceptifs à la vaccination. « Cette année, la vaccination s'est déroulée de manière plus proche de la population, dans les centres zootechniques vétérinaires du ministère de l'Élevage, des Pêches et des Industries animales, qui sont situés à proximité des habitants. Cela signifie que les gens n'ont pas eu besoin de parcourir de longues distances pour faire vacciner leurs animaux », observe-t-elle.

« Nous vaccinons tous les animaux de compagnie : chiens, chats, singes, car ce sont des animaux qui sont plus proches de l'homme et peuvent facilement transmettre cette maladie. Nous continuerons à vacciner jusqu'à épuisement des stocks de vaccins », déclare le Dr Soussai Fandai. 

Le Dr Gah Walter, délégué régional du MINEPIA pour la région du Nord-Ouest, affirme que les campagnes de vaccination contre la rage n'ont jamais été aussi étendues que celle de cette année. « Chaque district ressentira l'impact de cette vaccination. Cette campagne va contribuer à réduire le nombre de cas de rage », précise-t-il. Il ajoute également que la vaccination se poursuit, mais certaines zones sont « difficiles d'accès » en raison de la crise sécuritaire qui touche la région depuis fin 2016.

Vers l’élimination de la rage d’ici 2030

« Lorsque les premiers signes cliniques sont déclarés, la mort est inévitable », indique le Dr Soussai Fandai. Malheureusement, regrette-t-elle, il n'existe pas de traitement médical contre cette maladie. Mais on peut la prévenir.

« La vaccination des animaux consiste à les inoculer pour leur conférer une immunité afin qu'ils ne contractent pas la maladie ultérieurement. S'ils ne contractent pas la maladie, ils ne la transmettront pas à l'homme. 99% des cas de rage sont dus à des morsures de chiens. On attrape la maladie principalement par morsure, griffure, ou léchage d'une plaie par un animal infecté », précise-t-elle.

La deuxième méthode de prévention, selon la spécialiste de l'élevage, consiste à prendre en charge les personnes mordues. « Cela implique principalement d'administrer un traitement spécifique aux personnes qui ont été exposées à un animal suspecté d'être enragé ou à un animal confirmé comme étant atteint de la rage », insiste le Dr Soussai Fandai. Elle ajoute : « Si l'on choisit un traitement préventif, cela signifie qu'à partir du moment où l'on est exposé, il faut commencer le traitement, car dès que les premiers signes de la maladie apparaissent, il n'y a plus de solution. »

Le Cameroun a adopté un plan stratégique ambitieux visant à éliminer complètement les décès humains liés à la rage d'origine animale d'ici 2030. Cinq domaines prioritaires ont été identifiés : l'élimination de la rage canine, la prévention chez l'homme, le renforcement de la surveillance épidémiologique, la recherche opérationnelle et la sensibilisation du public. Pour y parvenir, tous les acteurs impliqués, tels que les éleveurs, les propriétaires d'animaux et les partenaires techniques et financiers, sont mobilisés pour cette campagne inédite qui pourrait faire du Cameroun un modèle dans la lutte contre cette maladie dévastatrice. Ils cherchent également à déployer des efforts considérables pour gérer la population canine, promouvoir le bien-être animal et améliorer le suivi des cas. 


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