Vaccination dans les zones de conflit en RDC : Résilience et défis au Nord-Kivu et en Ituri

Dans l'est de la République Démocratique du Congo, les conflits armés au Nord-Kivu et en Ituri ont provoqué des déplacements massifs de populations, engendrant des crises humanitaires majeures. Les conditions de vie précaires dans les camps de déplacés aggravent les risques sanitaires. Face à cette situation alarmante, le Programme Élargi de Vaccination (PEV) et ses partenaires déploient des campagnes de vaccination pour immuniser les enfants contre des maladies telles que la rougeole et le choléra.

  • 8 juillet 2024
  • 5 min de lecture
  • par Patrick Kahondwa
Le camp de personnes déplacées de Bulengo, situé en périphérie de la ville de Goma. Crédit : Patrick Kahondwa
Le camp de personnes déplacées de Bulengo, situé en périphérie de la ville de Goma. Crédit : Patrick Kahondwa
 

 

Des camps de déplacés confrontés à des conditions sanitaires précaires

Dans le camp de Bulengo, situé en périphérie de la ville de Goma, près de 100 000 personnes vivent dans des abris inadéquats et surpeuplés, sans accès à l’eau potable et à des latrines. Nombreuses sont les personnes obligées de partager une seule toilette, tandis que d’autres font leurs besoins dans la nature. Dans cette situation, des épidémies de rougeole et de choléra sont régulièrement enregistrées.

Fuyant la guerre liée à la résurgence du groupe armé M23, de nombreux enfants vivant sur ce site n’ont pas pu compléter leur calendrier vaccinal, tandis que d’autres, les enfants zéro dose, n’ont jamais reçu de vaccin. Du côté du Programme Élargi de Vaccination et de ses partenaires, il faut agir vite. Des campagnes de vaccination essentielles pour les enfants non vaccinés sont menées dans les camps de déplacés. Chaque semaine, des séances de vaccination sont organisées pour atteindre tous les enfants déplacés.

« Les enfants séparés de leurs parents posent un problème car on ne maîtrise pas s’ils ont déjà eu tous les vaccins. Les prestataires font un contrôle physique sur l’enfant en cherchant certains signes et cicatrices pour savoir s’il a eu tel ou tel autre vaccin, puis administrent le vaccin en cas de besoin. »

« Dans les camps de déplacés, nous avons des centres de santé, mais ces centres sont débordés car les déplacés sont nombreux. Lorsque les déplacés arrivent, la première chose à faire est de les vacciner contre la rougeole, car c’est une maladie très contagieuse. Nous avons mené des activités accélérées avec l’appui de Médecins Sans Frontières dans tous les camps. Aujourd’hui, nous avons moins de cas de rougeole », explique le Dr Stéphane Hans, Médecin Coordonnateur du Programme Élargi de Vaccination dans la province du Nord-Kivu.

Pour Judith, mère de famille originaire de Masisi, à 80 km de Goma, la vaccination est une source de soulagement. Habituée à faire vacciner ses enfants, elle était désemparée face aux conditions du camp.

« Je connais l’importance du vaccin pour mes enfants. Ici, au camp, j’étais inquiète pour eux car ils ne manquent jamais leur rendez-vous vaccinal. Sur le site où nous sommes, ils sont exposés à plusieurs maladies. Comme ils sont vaccinés, je sais qu’ils sont protégés. Le vaccin est bon, surtout pour nos enfants déplacés ».

Tenant son bébé en main, qui vient de recevoir son vaccin, cette autre femme rencontrée au camp de déplacés de Bulengo se réjouit de voir son enfant vacciné.

« Il y a trop de saleté ici au camp. La seule façon de protéger nos enfants est de les faire vacciner. Les gens ne doivent pas craindre les vaccins car ici, il y a encore des gens qui croient que la vaccination est une menace pour la santé de leurs enfants. Mes enfants n’étaient pas en bonne santé quand nous sommes arrivés. Ils étaient malades presque tous les jours. Mais depuis qu’ils ont reçu leurs vaccins, la situation a changé. Merci à ceux qui ont pensé à nous, déplacés, en nous amenant les vaccins ».

Mobilisation pour vacciner les enfants dans les camps

La situation de Bulengo étant similaire à celle des autres camps dans plusieurs provinces de la RDC, dont l’Ituri, où les déplacés sont disséminés dans 57 sites, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), en collaboration avec le Programme Élargi de Vaccination (PEV), soutient la mise en œuvre des activités de vaccination en faveur des populations mobiles, grâce à un financement de Gavi, l’Alliance du vaccin. Cette organisation a initié la stratégie mobile pour atteindre les bénéficiaires en apportant son appui aux aires de santé, aux zones de santé et aux divisions provinciales de la santé couvrant les points d’entrée et les sites des personnes déplacées internes dans les provinces d’intervention.

« Cet appui a permis d’administrer plus de 100 000 doses de vaccin aux enfants depuis le début de l’appui de la vaccination de routine à ce jour. Environ 80 000 enfants, dont 12 000 n’ayant jamais reçu de vaccin et plus de 11 000 sous-vaccinés, ont été repérés par les équipes appuyées par l’OIM », rapporte le Dr Clark Bahizire, point focal vaccination au sein de cette organisation internationale.

Il y a un an, près de 35 000 enfants déplacés de moins de cinq ans ont été vaccinés à Goma grâce à la collaboration entre Médecins Sans Frontières et le ministère de la Santé. Cette vaccination a ciblé des maladies comme la diphtérie, l'hépatite, la coqueluche, la pneumonie, la poliomyélite et la rougeole.

Pour des résultats plus satisfaisants, les différents intervenants plaident pour la sécurisation et la démilitarisation des sites de déplacés comme un impératif pour éviter la mobilité des enfants, déjà avec une couverture vaccinale faible, et pour contrôler leur état sanitaire.

« Avec l’appui de certains partenaires, nous sommes en train d’organiser des activités accélérées pendant trois mois. Nous allons administrer aux enfants des antigènes pour qu’ils soient protégés », renchérit Dr Hans.

Des défis persistants

Bien que les résultats de ces interventions soient satisfaisants, sur le terrain, les équipes de vaccination sont confrontées au problème des enfants qui ne possèdent pas de fiches de vaccination et des mamans qui ne se souviennent plus des vaccins que l’enfant a déjà reçus.

« Les enfants séparés de leurs parents posent un problème car on ne maîtrise pas s’ils ont déjà eu tous les vaccins. Les prestataires font un contrôle physique sur l’enfant en cherchant certains signes et cicatrices pour savoir s’il a eu tel ou tel autre vaccin, puis administrent le vaccin en cas de besoin », note Dr Clark.

Pour des résultats plus satisfaisants, les différents intervenants plaident pour la sécurisation et la démilitarisation des sites de déplacés comme un impératif pour éviter la mobilité des enfants, déjà avec une couverture vaccinale faible, et pour contrôler leur état sanitaire.

Les campagnes de vaccination menées dans les zones de conflit en RDC constituent une bouée de sauvetage pour les enfants vulnérables. La mobilisation continue des acteurs humanitaires et l'engagement des communautés sont essentiels pour protéger la santé des enfants dans ces environnements fragiles.


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