Au sud de Madagascar, la sècheresse persistante fait exploser les maladies infectieuses
Les tiomena (tempêtes de sable), favorisées par la sècheresse chronique, ont toujours existé dans le Sud malgache au détriment des moyens de subsistance des habitants. Ces phénomènes climatiques extrêmes ont aujourd’hui tendance à gagner en intensité.
- 28 avril 2022
- 6 min de lecture
- par Rivonala Razafison
Impact de la crise climatique sur la santé
Sous l’effet du changement climatique, la sècheresse de type sévère qui frappe à longueur d’année les régions du sud de Madagascar contribue de façon significative à l’accroissement des prévalences des maladies infectieuses et relègue la vaccination des enfants au second plan des priorités familiales.
Telle est la conclusion provisoire de l’étude des impacts des tiomena sur les maladies infectieuses entreprise par Dr Tsivahiny Paubert, médecin-chef du centre hospitalier de référence régionale d’Ambovombe, la principale ville d’Androy – l’une des régions durement affectées par le déficit chronique de pluviométrie.
Chercheur rattaché à l’université de Mahajanga, le responsable est sur le point de boucler son investigation dans le but d’en présenter le résultat. Son intérêt porte sur les nouveautés en matière de santé publique en lien avec la récurrence et l’intensification des chasse-sables ayant un effet dévastateur sur les moyens de subsistance des habitants du Sud, d’où la situation de famine appelée kere dans la langue locale.
Une recrudescence inquiétante du VIH
Ces dernières années où les précipitations enregistrées ont connu une baisse importante sur l’île, les contaminations aux virus comme le VIH, la tuberculose et d’autres pathologies pulmonaires, la rougeole et la lèpre sont en hausse considérable dans les régions en question tandis que la toux sèche continue, la fièvre typhoïde, ainsi que d’autres maladies font souffrir des habitants en proie à l’insécurité alimentaire.
Les contaminations aux virus comme le VIH, la tuberculose et d’autres pathologies pulmonaires, la rougeole et la lèpre sont en hausse considérable
La dernière enquête démographique et de santé 2019-2021 montre que, pour l’Androy, le taux d’insuffisance pondérale est de 35,10 %, celui de malnutrition chronique est de 45,3 % et celui de malnutrition aiguë pour les enfants de 0 à 59 mois est de 15,20% contre respectivement 24,3%, 38,8% et 6,90% en 2018. Ces indices laissent transparaître des hausses significatives des prévalences en peu de temps.
« Les maladies infectieuses sont en recrudescence. Les tiomena détruisent les récoltes. Les vivres manquent et la malnutrition ainsi amplifiée affaiblit le système de défense naturelle des gens. Ainsi sont-ils exposés aux infections diverses », dit Dr Paubert.
Pour couvrir l’ensemble du pays et vacciner même les personnes situées dans des zones géographiquement éloignées, au-delà de la campagne de vaccination, le PEV prévoit également une micro-planification à la base où les provinces élaborent leurs besoins en vaccination. C’est sur cette base que la vaccination s’organise. Les défis restent cependant énormes, comme les défis logistiques pour se déployer dans toutes les parties du pays.
La tendance de la contamination au VIH est assez alarmante. « Les districts d’Ambovombe, de Tsiombe et de Bekily [dans la région Androy] sont maintenant en phase d’explosion si celui de Beloha en était le principal foyer », affirme le médecin-chef. « Nous avons des orphelins du kere. Mais il y aura aussi des orphelins da la maladie du SIDA », ajoute-t-il.
Pour aller plus loin
Le développement des comportements à risque de certains adultes motivé par la précarité des conditions est mis sur le banc des accusés. « Lors des rapports sexuels, se protéger est le dernier de leurs soucis à cause de la dureté de la vie. C’est encore discutable. Toutefois, ce comportement est une des conséquences indirectes des tiomena, à mon sens », soutient l’informateur.
La privation dans le Sud malgache fait circuler plus vite le bacille de Kock en raison de la promiscuité inhérente à la recherche de confort entre soi chez les couches défavorisées. Le dépistage par les crachats permet au personnel de santé au niveau local de se rendre compte du doublement des cas d’infection à la tuberculose depuis 2017.
Augmentation du nombre d’enfants zéro-dose
La tuberculose étant parmi les maladies évitables par la vaccination, les régions affectées par la sècheresse s’attendent désormais au probable accroissement exponentiel du nombre de tuberculeux au cours des prochaines années. Malgré eux, les parents sont conduits à soustraire les nouveau-nés au vaccin de BCG.
« Nous avons constaté une baisse d’assiduité. A cause des vents violents accompagnant les tiomena, les mères, tout juste après la maternité, sont soumises à un séjour prolongé à la maison. Elles ne sortent de chez elles qu’au bout de 3-6 mois. Or, le vaccin de BCG se fait généralement à 0-45 jours après la naissance du bébé », observe l’informateur.
Pour les parents, la cherche de nourriture est la priorité des priorités. De ce fait, ils négligent voire oublient d’amener leurs enfants aux centres de santé pour l’administration des doses recommandées. « Après l’accouchement, certaines mères refusent de vacciner leurs bébés sur-le-champ. Une fois rentrées chez elles, elles ne reviennent plus aux centres de santé avec leurs enfants », raconte le médecin. Pour contourner ce genre de démotivation, des séances de vaccination, des mesures en amont, sont organisées les jours de marché hebdomadaire ou lors des distributions des moustiquaires imprégnées, par exemple.
« Les mères, tout juste après la maternité, sont soumises à un séjour prolongé à la maison. Elles ne sortent de chez elles qu’au bout de 3-6 mois. Or, le vaccin de BCG se fait généralement à 0-45 jours après la naissance du bébé »
Selon toujours l’expert en santé publique, le contexte difficile dans le Sud malgache exacerbé par le changement climatique est favorable à la prolifération des cas de lèpre, de fièvre typhoïde et de fièvre chez les enfants comme chez les adultes, d’autres problèmes pulmonaires, de conjonctivite, etc. « La fièvre typhoïde a un lien avec le taux élevé de la défécation à l’air libre. Les vents secs font propager les agents pathogènes », rappelle Dr Paubert. Plusieurs cas suspects de rougeole ont aussi été signalés en 2021.
Pour tous ces types d’infection, la multiplication des cas non suivis risque d’aggraver encore plus la situation. Les taux de fréquentation des hôpitaux et des centres de santé sont bas dans la campagne. « Malgré la gratuité de la prise en charge pour les maladies comme la tuberculose et le SIDA, sans argent, beaucoup préfèrent rester chez eux tout en se laissant aller à un comportement susceptible de compromettre la santé des autres », regrette le médecin.
Les cas non notifiés peuvent être identifiés par la réalisation des enquêtes de masse. La mobilisation des agents communautaires est plus qu’opportune à ce titre. Tout un travail de coordination est quand même indispensable à cause de la profusion des interventions sur le terrain qui collaborent, chacune suivant sa propre approche, avec ces acteurs locaux.
Les tiomena compliquent les choses. « Il est devenu de plus en plus difficile de sensibiliser les gens à la suite de ces occurrences climatiques », constate de Paubert. Ces événements climatiques extrêmes promettent de toujours prendre de l’ampleur à la lumière du rapport publié le 5 avril 2022 par le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat.