Virus Marburg : le Cameroun en alerte après la déclaration de l’épidémie en Guinée équatoriale

Les flux commerciaux et humains avec la Guinée équatoriale, pays frontaliers, étant importants, le Cameroun exerce une vigilance de tous les instants depuis la mi-février, moment ou l’épidémie de maladie à virus Marburg a été déclarée par sa voisine.

  • 17 mars 2023
  • 6 min de lecture
  • par Nalova Akua
A la frontière entre le Cameroun et la Guinée équatoriale. Crédit : Nalova Akua
A la frontière entre le Cameroun et la Guinée équatoriale. Crédit : Nalova Akua
 

 

Lorsque, le 13 février 2023, la Guinée équatoriale a confirmé sa toute première épidémie de maladie à virus Marburg, Kingue Marie Jessica n'aurait jamais imaginé que cela pourrait affecter ses études au Cameroun voisin. Mais le lendemain, l'élève de 19 ans de la sixième du lycée bilingue de Kyé-Ossi dans la région du sud du Cameroun s'est rendu compte qu'il était devenu impossible de retourner dans sa ville natale d'Ebibeyin, chef-lieu de la province de Kié-Ntem d’où l’épidémie est partie.

« C’est depuis la semaine passée qu’on nous a bloqués », explique-t-elle.

« On nous a demandé d'attendre un mois et demi. Certains élèves ont traversé mais le reste passe par la brousse pour venir à l'école. Si les militaires sont gentils tu passes, mais quand c'est compliqué, tu rentres ».

« Il est difficile pour les gens de quitter Ebibeyin pour aller dans une autre ville comme Batam, Mongomo ou dans un autre pays. C'est aussi difficile pour eux d'entrer dans la ville où il y a le virus ».

Le ministère de la Santé de Guinée équatoriale a confirmé que le virus de Marburg se propageait dans deux districts (Ebibiyin et Nsok-Nsomo) de la province nord-est de Kie-Ntem, frontalière du Cameroun et du Gabon. Marburg appartient à la même famille de virus qu'Ebola, provoque des symptômes similaires, se transmet entre humains de la même manière et a un taux de mortalité très élevé comme Ebola.

Au 25 février 2023, neuf personnes qui présentaient des signes de Marburg sont décédées, et l'une d'entre elles a été testée positive pour le virus.

« Parce que les huit autres décès présentaient des symptômes comparables, on pense que la même chaîne de transmission était à blâmer », a déclaré le Dr John Otokoye Otshudiema, Viral Hemorrhagic Fevers / Marburg Readiness Manager.

« A présent, aucun cas suspect n’a été signalé à Kye-Ossi. Nous avons tout fait pour éviter la psychose auprès de la population. Nous avons sensibilisé pour vulgariser les symptômes de la maladie. »

Le Dr Otshudiema, qui est également responsable des incidents COVID-19, responsable des urgences sanitaires et consultant international au sein de l'OMS Cameroun, ajoute : « au total, 48 personnes qui ont été en contact étroit avec ces neuf cas décédés sont suivies à domicile, et environ 16 cas suspects ont été admis dans des établissements de santé avec des symptômes bénins ».

« À ce stade, il ne peut être exclu que tous les cas de maladie à virus Marburg n’aient été identifiés ; par conséquent, il pourrait y avoir des chaînes de transmission qui n'ont pas été suivies. À ce jour, la plupart des contacts des neuf cas décédés n'ont pas été identifiés », dit-il.

Il explique d’ailleurs que le système d'alerte a été activé et a reçu huit notifications, dont deux décès avec des symptômes compatibles avec la maladie. Des échantillons ont été prélevés et sont en cours d'analyse en laboratoire.

Pas de cas au Cameroun pour le moment

Le Cameroun et le Gabon partagent de multiples frontières avec la Guinée équatoriale et sont en état d'alerte. Peu de temps après que la Guinée équatoriale a confirmé l’épidémie de la maladie à virus Marburg, le pays a restreint les déplacements autour de ses localités les plus proches de sa voisine.

Parmi les mesures prises par le Cameroun pour anticiper le virus il y a, entre autres, l'envoi de trois équipes d'enquête et d'intervention rapides dans les districts frontaliers deux jours avant que la Guinée équatoriale ne déclare l’épidémie, et l’enquête sur toutes les alertes dans les 24 à 48 heures.

2)	Un poste de contrôle sanitaire de fortune installé à la frontière du Cameroun avec la Guinée équatoriale pour gérer les éventuels cas de maladie à virus de Marburg
Un poste de contrôle sanitaire de fortune installé à la frontière du Cameroun avec la Guinée équatoriale pour gérer les éventuels cas de maladie à virus de Marburg.
Crédit : Nalova Akua

« Au 25 février 2023, 15 alertes de 8 districts répartis dans 5 régions ont été reçues et investiguées ; 11 alertes ont été validées comme cas suspects après investigations ; 11 échantillons ont été prélevés sur des cas suspects et testés au Laboratoire du Centre Pasteur du Cameroun. Les 11 échantillons ont été testés négatifs pour le virus Marburg, il n'y a donc aucun cas confirmé de Marburg au Cameroun », selon le Dr Otshudiema.

Corroborant cela, le ministre camerounais de la Santé, le Dr Malachie Manaouda, rassure : « il n’y a pas de préoccupation majeure en ce moment ».

« L'alerte a été donnée par la Guinée équatoriale. Compte tenu du fait que les villages sont frontaliers du Cameroun, nous avons déployé un ensemble d'actions sur le terrain. Globalement on peut dire que tout est sous contrôle. Nous n'avons aucun cas de ce virus au Cameroun à ce jour. Nous restons vigilants », dit-il.

L’économie locale à la peine

Les villes camerounaises autrefois florissantes d'Ambam, Olamze et Kye-Ossi qui bordent la Guinée équatoriale sont aujourd'hui l'ombre d'elles-mêmes - causées par la peur de la maladie à virus de Marburg. Dans les rues principales de Kye-Ossi, les boutiques et les cafés sont fermés.

« Depuis l’annonce des cas de contamination de virus Marburg en Guinée équatoriale, les Equato-Guinéens ont aussitôt fermé leurs frontières. Et depuis cette date, le rythme de vie a considérablement changé parce que le flux migratoire qu’on a toujours vu à la frontière s’est arrêté », confirme Zue Zue Jean Marie, le maire de la commune de Kye-Ossi.

Il explique d’avoir pris des mesures préventives avec l’appui du médecin de l’hôpital de district et des autorités administratives.

« On a pris des mesures à la frontière visant à restreindre tout mouvement de population et nous restons tous en alerte », explique le maire.

« A présent, aucun cas suspect n’a été signalé à Kye-Ossi. Nous avons tout fait pour éviter la psychose auprès de la population. Nous avons sensibilisé pour vulgariser les symptômes de la maladie ».

Les activités économiques dans la région ont également plongé, entraînant une hausse des prix des produits de base.

« La vie est devenue tellement chère », se plaint Ovono Mba, un habitant de Kye-Ossi. « Le morceau de savon qu’on achetait à FCFA 200 coûte désormais le double, comme le litre d’huile qu’on achetait à FCFA 800. Tout est devenu cher. Beaucoup de biens venaient de Guinée équatoriale ».

Nécessité d'un plan de réponse stratégique régional

« L'OMS élabore un plan stratégique régional de préparation et de riposte à l'épidémie de maladie à virus de Marburg en Guinée équatoriale et dans les pays voisins », a déclaré le Dr Otshudiema. L’institution a évalué le risque régional comme étant « modéré ».

« Il est urgent que les pays voisins restent vigilants et continuent à renforcer leurs capacités pour être prêts à prévenir, détecter, enquêter et répondre rapidement aux menaces de Marburg. Dans le cadre du Règlement sanitaire international de 2005, l'OMS facilite également la surveillance transfrontalière et partage des réunions d'information pour atténuer le risque de propagation potentielle de Marburg dans les pays voisins », a-t-il conclu.


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