Vaccination sans seringue : un aperçu de 11 solutions innovantes
Onze patchs vaccinaux sans aiguille ont été identifiés par Gavi et ses partenaires comme prioritaires pour accroître la couverture vaccinale dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
- 1 mai 2025
- 7 min de lecture
- par Linda Geddes

Faciles à transporter, relativement indolores, plus faciles à administrer que les vaccins traditionnels, les patchs à microaiguilles (MAP, pour microarray patches) pourraient transformer la vaccination dans les pays à faibles revenus et en cas de pandémie.
« En raison de ces qualités, Gavi et ses partenaires ont fait des MAP une innovation prioritaire en matière d’administration de vaccins, avec le potentiel d’augmenter la couverture vaccinale et l’équité dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire », déclare la Dre Tiziana Scarna, responsable senior des innovations et des produits spéciaux à Gavi, l’Alliance du Vaccin.
Toutefois, le manque d’indications sur les vaccins qui auraient l’impact le plus important sur la santé dans ces contextes et qui seraient par conséquent les plus intéressants pour les gouvernements et les organisations qui les achètent est l’un des principaux obstacles au développement de ces vaccins.
Pour contribuer à y remédier,l’Alliance pour la Stratégie de hiérarchisation des priorités en matière d’innovation vaccinale (VIPS, pour Vaccine Innovation Prioritisation Strategy) – une collaboration entre Gavi, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la Fondation Bill & Melinda Gates, l’UNICEF et PATH pour évaluer, hiérarchiser et faire avancer les innovations en matière de vaccins – a lancé un processus visant à identifier les vaccins qui présentent le potentiel le plus important d’améliorer la couverture vaccinale dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.
« Le développement des vaccins MAP nécessitera un investissement substantiel de la part des fabricants de vaccins, mais ces derniers souhaitent pouvoir appliquer cette technologie à plusieurs vaccins de leur portefeuille afin de réduire le coût de cette innovation », explique la Dre Birgitte Giersing, responsable d’équipe pour la hiérarchisation des vaccins et les plateformes à l’OMS, qui a participé à la recherche. « C’est la raison pour laquelle cet exercice de hiérarchisation est nécessaire ; il indique quels vaccins MAP sont considérés comme importants et contribue à réduire les risques liés aux décisions d’investissement. »
Leur évaluation finale, publiée dans Vaccine identifie onze candidats qui seraient les plus pertinents et les plus utiles pour les programmes de vaccination dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.
Voici ce que nous savons de ces vaccins candidats et de la différence qu’ils pourraient faire.
Vaccination sans aiguille
Les MAP sont de petits dispositifs ressemblant à du sparadrap, dotés de centaines de projections microscopiques qui administrent le vaccin dans les couches supérieures de la peau.
Contrairement aux vaccins sous forme liquide, qui nécessitent une réfrigération constante pour rester efficaces, et des professionnels qualifiés pour les injecter et éliminer les seringues, les patchs sont conçus pour être plus stables à température ambiante pendant quelques jours, plus faciles à transporter et à appliquer sur la peau avec un minimum de formation.
La suppression des aiguilles pourrait également faire disparaître l’une des principales raisons de l’hésitation vaccinale.
« Pour des millions d’enfants vivant dans des communautés isolées, difficiles d’accès et touchées par des conflits, les MAP pourraient changer la donne », déclare le Dr Jean-Pierre Amorij, spécialiste des vaccins à l’UNICEF, qui a participé à la recherche. « Ces patchs vaccinaux pourraient être un moyen plus efficace d’atteindre les enfants qui, autrement, ne bénéficieraient pas d’une vaccination qui leur sauverait la vie. »
En effet, « dans certains cas, comme pour la rougeole, les MAP sont considérés comme essentiels pour atteindre les objectifs d’élimination aux niveaux mondiaux et régionaux – et sont susceptibles d’être plus nécessaires que jamais dans le contexte actuel d’hésitation vaccinale », a déclaré Birgitte Giersing.
En raison de ces caractéristiques, les patchs à microaiguilles ont été considérés par l’Alliance VIPS comme une innovation susceptible de contribuer à lever les obstacles à la vaccination et à accroître la couverture vaccinale et l’accès équitable aux vaccins. Pourtant, bien que cette technologie soit en cours de développement depuis plusieurs décennies, seuls quelques vaccins ont été soumis à des essais cliniques, notamment ceux contre la rougeole, la rubéole, la COVID-19, la grippe saisonnière et l’hépatite B.
L’un des problèmes est que les patchs à microaiguilles sont considérés comme un nouveau produit vaccinal dont la voie de développement est complexe. Ils nécessitent un investissement initial important, et les fabricants doivent donc savoir s’il existe un marché pour ces produits avant d’engager des ressources supplémentaires pour les développer et les tester.
Processus de hiérarchisation
En 2021, l’Alliance VIPS a publié un plan d’action quinquennal afin d’accélérer le développement des patchs de vaccins à microaiguilles – y compris l’obligation d’identifier les patchs qui devraient être considérés comme prioritaires pour les environnements à faible revenu.
« Il n’y a pas nécessairement lieu de remplacer les seringues par des patchs partout. Mais il existe des cas spécifiques où nous pensons qu’un patch serait avantageux », explique Tiziana Scarna, qui a dirigé la recherche.
« Il s’agit généralement de vaccins qui nécessitent une couverture très élevée de la population pour avoir l’impact le plus large possible sur la santé publique, de vaccins qui ne sont pas seulement administrés dans le cadre des calendriers de vaccination [infantile] de routine mais qui ciblent d’autres segments de la population pour lesquels la plateforme de vaccination n’est pas aussi bien établie, ou de vaccins qui doivent être administrés en dehors des établissements de santé. »
« Il est également important que ces produits soient viables sur le plan financier, raison pour laquelle nous avons cherché à identifier des vaccins qui pourraient potentiellement avoir un marché dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, voire dans les pays à revenu élevé. »
À partir d’une liste de référence initiale de 91 vaccins-cibles, l’Alliance VIPS a appliqué différents filtres pour identifier ceux qui présentent la plus grande applicabilité dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.
Elle a ensuite consulté un groupe consultatif externe afin d’évaluer les voies réglementaires potentielles, l’impact programmatique et la viabilité financière de ces candidats, avant de parvenir à une liste finale de onze patchs vaccinaux.
Vaccins prioritaires
Les onze candidats se répartissent en deux catégories : le premier groupe prioritaire comprend les vaccins ayant un fort potentiel d’impact programmatique, de viabilité financière ou d’intérêt de la part des financiers. Il s’agit des vaccins contre le virus de l’hépatite B, les virus de la rougeole, des oreillons et de la rubéole, le virus du papillome humain (VPH), le virus de la rage, la fièvre jaune, la COVID-19 et les virus de la grippe saisonnière et de la grippe pandémique.
Le deuxième groupe prioritaire comprend les vaccins contre le streptocoque du groupe B (l’une des principales causes de méningite et d’infections sanguines chez les nouveau-nés) ; cinq souches des bactéries à méningocoque (causes majeures de maladies neurologiques et de handicaps en Afrique subsaharienne) ; la Salmonella Typhi (responsable de la fièvre typhoïde) ; et le pneumocoque (principale cause de forme grave de la pneumonie et de méningite bactérienne dans le monde).
Parmi ces candidats, les patchs contre la rougeole-rubéole sont au stade de développement le plus avancé. Une étude de phase 1/2 menée en Gambie auprès d’adultes et d’enfants a révélé que le patch vaccinal était sûr et bien toléré, et que les réponses immunitaires qu’il déclenchait étaient similaires à celles d’un vaccin injectable contre la rougeole et la rubéole.
Micron Biomedical, qui a mis au point le patch vaccinal contre la rougeole et la rubéole, augmente actuellement sa capacité de production en vue de nouveaux essais.
« Nous espérons que ce vaccin contre la rougeole et la rubéole fera figure de pionnier et qu’une fois que nous aurons obtenu la preuve du concept de fabrication pour celui-ci, le niveau d’intérêt et d’investissement dans d’autres patchs de vaccins à microaiguilles en cours de développement augmentera, ce qui accélérera leur mise au point », indique Tiziana Scarna.
D’autres essais cliniques récents ont donné des résultats prometteurs, notamment des vaccins contre la grippe, la COVID-19 et l’hépatite B.
« Un vaccin MAP contre la grippe qui élimine la nécessité d’une réfrigération constante, améliore la facilité d’utilisation et augmente la réponse immunitaire d’une personne au vaccin pourrait faciliter l’administration de millions de vaccins contre la grippe saisonnière dans le monde chaque année », déclare Collrane Frivold, responsable technique du Programme sur les dispositifs médicaux et les technologies de santé de PATH, qui a co-rédigé l’évaluation de la VIPS.
« Un vaccin MAP contre l’hépatite B facile à utiliser et plus stable à température ambiante pourrait améliorer l’accès à la vaccination par voie intraveineuse d’une dose à la naissance pour les millions de nouveau-nés qui naissent chaque année en dehors des établissements de santé, tandis que les vaccins MAP contre la grippe ou la COVID-19 pourraient simplifier l’administration auprès des populations difficiles à atteindre lors de futures épidémies. »
Pour aller plus loin
Défis futurs
« Malgré cela, de nombreuses étapes doivent être franchies avant que ces vaccins ne soient prêts à être introduits, notamment les essais cliniques de phase avancée, l’augmentation de la production, les approbations par les organismes nationaux de réglementation, la préqualification de l’OMS, les politiques de financement et les stratégies d’achat, ainsi que la recherche sur la mise en œuvre », précise Collrane Frivold.
« PATH et ses partenaires de l’Alliance VIPS travaillent activement dans ces domaines afin de réduire les goulots d’étranglement et d’accélérer les délais d’introduction des MAP dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. La formation et la sensibilisation du personnel de santé constituent un autre élément essentiel de l’introduction de nouvelles innovations relatives aux vaccins, tels que les MAP, afin de veiller à l’innocuité, l’efficacité et l’adoption réussie de ces vaccins. »
Des évaluations approfondies fournissent également des indications sur l’impact potentiel sur la santé publique et le ratio coût-efficacité des vaccins », indique Jean-Pierre Amorij.
« L’UNICEF a déjà mené une première évaluation complète des patchs vaccinaux contre la rougeole et la rubéole. Les résultats révèlent que si les patchs sont déployés à grande échelle, ils pourraient toucher 80 millions d’enfants supplémentaires et éviter jusqu’à 37 millions de cas de rougeole et 400 000 décès dus à cette maladie. Nous avons désormais besoin d’évaluations pour d’autres vaccins également, afin de renforcer la dynamique autour du potentiel de ces patchs pour protéger les enfants contre d’autres maladies mortelles. »
Davantage de Linda Geddes
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