Document de travail

Février 2023

Table des matières

Étape de conception


Approvisionnement


Demande auprès de la réserve humanitaire


Prise de décision


Distribution


Mise en œuvre et coordination des partenaires


Rapport

Avertissement :

Ce document est publié par Gavi, l’Alliance du Vaccin. Son contenu est le résultat d’un travail collaboratif piloté par Gavi. Toute reproduction ou utilisation du contenu de ce document, de quelque nature que ce soit, est interdite sauf autorisation écrite. Merci de contacter media@gavi.org pour toute demande d’utilisation.

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Conformément à son engagement à innover constamment et à ne laisser personne de côté en matière de vaccination, Gavi, l’Alliance du Vaccin continue à renforcer son modèle et ses stratégies pour pouvoir opérer dans des situations d’urgence humanitaire particulièrement complexes. L’expérience acquise avec COVAX en matière d’accès aux groupes de population les plus vulnérables peut guider ces initiatives. L’Alliance devra élargir les modalités, l’expérience et les partenariats de Gavi si elle veut atteindre les enfants zéro dose dans ces situations humanitaires dont la fréquence augmente, et être prête à affronter les pandémies qui pourraient survenir à l’avenir.

L’expérience acquise avec COVAX, et plus précisément avec la réserve de vaccins à usage humanitaire (appelée plus communément « réserve humanitaire ») de COVAX a permis de tirer dix enseignements utiles pour l’Alliance en matière de vaccination de routine et de préparation à la prévention et la riposte à de nouvelles pandémies.

Étape de conception

#1 – On devrait pouvoir réaliser d’importants gains d’efficacité en accordant des ressources suffisantes, et en mettant en place des procédures intégrées de bout en bout et des cadres conceptuels avant la survenue de nouvelles pandémies.

Étant donné que cela n’avait jamais été fait auparavant, il a fallu beaucoup de temps pour concevoir et mettre en place le mécanisme de réserve humanitaire et les politiques s’y rapportant, à la fois au sein de Gavi et avec l’ensemble des partenaires de COVAX. Il a fallu résoudre des problèmes et gérer des éléments conceptuels complexes (indemnisation, responsabilité et accords juridiques plus généraux) au plus fort d’une urgence mondiale sans précédent.

Il faudra à l’avenir tenir compte des éléments suivants, de façon à tirer le meilleur parti de l’expérience acquise avec la réserve de vaccins à usage humanitaire de COVAX :

  • Étant donné la rapidité d’évolution des pandémies et l’instabilité du contexte opérationnel, les milieux fragiles étant souvent confrontés à d’autres priorités concurrentes, le créneau favorable pour les livraisons peut se rétrécir rapidement, ce qui fait de la rapidité d’action une condition essentielle du succès. Pour pouvoir riposter rapidement, il pourrait être utile de définir un plan opérationnel et d’identifier les ressources internes pouvant servir de “soutien d’appoint” – tout en sachant que ces processus ont bien évidemment leurs limites.
  • Le projet pourrait bénéficier à l’avenir non seulement de l’expertise du Comité permanent interorganisations (CPI – IASC en anglais), mais aussi de celle des organisations de la société civile (OSC), notamment celles qui connaissent bien la situation des pays concernés. Elles seront largement consultées, de façon à mieux comprendre toute l’étendue des besoins et des difficultés.
  • À l’avenir, les plans d’intervention devraient être conçus et communiqués aux partenaires et aux participants comme faisant partie d’un ensemble d’interventions holistiques (et ne pas concerner uniquement les vaccins), compte tenu de l’importance d’une approche multisectorielle.

#2 – L’Alliance va devoir mieux définir et mieux expliciter les avantages comparatifs et le rôle des différentes organisations qui la composent et qui œuvrent dans le domaine de la vaccination dans les contextes humanitaires, en particulier en cas de pandémie.

L’absence de définition et de consensus quant au rôle et à la responsabilité de chacun des partenaires a parfois posé des problèmes pour la coordination de la réserve humanitaire. Il a fallu des mois pour délimiter clairement les rôles de l’OMS, de l’UNICEF et de Gavi dans le cadre de la pandémie, ce qui a pu entraîner des malentendus et faire perdre du temps. Les processus décisionnels suivis normalement par l’Alliance et par le CPI sont en partie responsables du manque de clarté sur la façon dont les décisions sont prises, sur les instances à mobiliser et les personnes à impliquer dans les discussions.

Il faudra donc définir à l’avance les interlocuteurs et les processus de décision, de façon à mieux partager les responsabilités, et à éviter « l’effet spectateur » (dû au grand nombre de partenaires) et le blocage des décisions. Riche de l’expérience acquise avec la réserve humanitaire, l’Alliance doit maintenant ériger les bases de nouvelles méthodes de travail en situation d’urgence, établir si besoin des protocoles d’accord, des procédures opérationnelles standard et définir les rôles et responsabilités de chacun.

Approvisionnement

#3 – Il faut bien appréhender, dès le début, les besoins des organisations humanitaires en ce qui concerne toutes les questions, très complexes et souvent nouvelles, de responsabilité et d’indemnisation, et les systèmes de compensation, et les intégrer dans les autres grands dispositifs de riposte aux pandémies qui ont une incidence sur l’approvisionnement en vaccins.

Lors de la pandémie de COVID-19, les fabricants ont exigé des pays qu’ils assument la responsabilité des nouveaux vaccins (et se chargent de l’indemnisation). Gavi s’est efforcée d’obtenir des dérogations pour permettre aux organisations humanitaires de s’approvisionner directement auprès de la réserve humanitaire. Les dérogations ont été accordées essentiellement parce que ces organisations n’ont pas la capacité d’assumer des risques supplémentaires en matière de responsabilité et d’indemnisation, ce qui est l’apanage des États souverains. La plupart des producteurs étaient disposés à accorder des dérogations, mais cela a demandé parfois de longues négociations. En outre, le système d’indemnisation en l’absence de faute mis en place par COVAX pour les pays bénéficiant de la garantie de marché (AMC), premier mécanisme mondial d’indemnisation des préjudices causés par des vaccins, est maintenant, pour certaines entités non étatiques, une condition essentielle pour pouvoir administrer les nouveaux vaccins contre la pandémie, ce qui n’avait pas été prévu lors de la conception de ce mécanisme par Gavi et l’OMS.

C’est pourquoi il faut absolument intégrer et anticiper les besoins et les préoccupations des organisations humanitaires en matière de distribution et d’administration des vaccins avant d’entamer les négociations sur les accords d’achat anticipé (APA), ce qui demande beaucoup de temps. Une grande partie de ce travail pourrait idéalement être effectué en amont.

Demande auprès de la réserve humanitaire

#4 – Il pourrait être nécessaire de communiquer de façon proactive et de mener des actions de sensibilisation ciblées pour susciter la demande et renforcer la confiance dans la possibilité d’accès aux vaccins.

Le concept de réserve de vaccins à usage humanitaire reposait sur un ensemble d’hypothèses, en grande partie motivées par la restriction de l’offre au début de la pandémie, ce qui a pu entraver la demande globale une fois l’offre disponible. L’approche prudente adoptée en 2021, qui consiste à mettre en œuvre ce mécanisme en « dernier recours » (l’intervention du gouvernement du pays concerné étant privilégiée en première intention) a probablement contribué à réduire la demande de vaccins auprès de la réserve au cours de la période 2021–2022.

Cela a rendu encore plus difficile la position des demandeurs potentiels vis-à-vis des autorités (de facto ou légitimes), dans la mesure où la demande était perçue comme un constat d’échec de l’État à atteindre toutes les populations (les OSC se sont trouvées dans une position inconfortable pour demander aux gouvernements de soutenir ce programme), et cela a entraîné d’autres problèmes opérationnels en aval.

Pour les interventions humanitaires, il faudra adopter à l’avenir une stratégie d’information et de mobilisation plus proactive, et la compléter par de nouvelles méthodes de travail avec les gouvernements et les OSC de façon à éviter toute politisation. C’est ainsi que l’on pourra créer la demande et instaurer une plus grande confiance dans la capacité à répondre aux besoins des populations vulnérables.

#5 – C’est en collaborant avec les différents acteurs du secteur humanitaire et les OSC que l’on pourra disposer de plus d’informations et de compétences, ce qui permettra de prendre les bonnes décisions dans des situations complexes, et de gagner en crédibilité.

La mobilisation des pôles de santé nationaux, des bureaux des Nations Unies (OMS et l’UNICEF inclus), des agences membres du Comité permanent interorganisations et des pays bénéficiaires aux côtés des équipes pays de Gavi, n’a pas permis d’augmenter de manière significative le nombre de demandes de doses de vaccin auprès de la réserve humanitaire de COVAX ; mais le fait de travailler en étroite collaboration avec le Global Health Cluster (GHC) des Nations Unies a permis d’identifier les éventuelles carences.

On a pu ainsi mettre en évidence les situations nécessitant un soutien supplémentaire au niveau infranational et les possibilités de partenariat avec des organisations humanitaires opérant dans des zones à faible couverture. Cela a également permis de mieux localiser les populations ayant besoin d’une aide humanitaire. Dans un cadre élargi, ces contacts pourraient également aider le programme zéro dose de Gavi et les nouveaux programmes de riposte aux pandémies à améliorer leurs données, mieux comprendre les situations humanitaires et identifier les acteurs actifs dans ce domaine.

Prise de décision

#6 – Il faut étudier attentivement le rôle que pourraient jouer les organisations et comités décisionnels extérieurs, l’intérêt d’externaliser la gouvernance à leur profit, et les concessions que cela demanderait.

L’expérience de COVAX est également riche en enseignements en ce qui concerne l’implication des organisations humanitaires et des OSC dans un cadre formel faisant intervenir le Comité permanent interorganisations. Ce dernier a été chargé d’évaluer les demandes de vaccins adressées à la réserve humanitaire, en fonction d’un ensemble de critères bien définis et en tenant compte des principes humanitaires dans son évaluation et sa pratique, ce qui a permis à Gavi de conserver une certaine neutralité qui aurait été difficile à maintenir si elle avait été seule concernée, étant donné son rôle de coordination des parties prenantes. En outre, la perception du CPI qu’ont les donateurs et les demandeurs potentiels de vaccins a renforcé la crédibilité du mécanisme de réserve humanitaire, les qualités et l’expérience de ce Comité dans le domaine de l’aide humanitaire étant très appréciées.

Ce partenariat a toutefois rencontré également quelques difficultés. Par exemple, les équipes nationales du Comité permanent interorganisations et de Gavi ne se sont pas engagées aussi activement qu’elles l’auraient pu, souvent en raison de problèmes de confidentialité et de parti pris d’un côté comme de l’autre. De ce fait, certains ont eu l’impression que certaines décisions étaient prises sans fondement ou à partir d’informations incomplètes. Il faudra peser soigneusement l’intérêt de faire appel à des groupes extérieurs et d’en fixer les modalités ; et définir clairement le niveau de responsabilité à déléguer, la façon d’assurer le partage approprié des informations entre les différents acteurs, et le pouvoir de décision à accorder à chacun, et enfin évaluer les concessions que cela implique.

Distribution

#7 – L’expérience de COVAX a fourni un solide fondement à la réflexion sur les problèmes d’ordre juridique liés à la distribution des vaccins dans différentes situations et auprès de différents acteurs, notamment en cas de pandémie.

Certains aspects juridiques, portant notamment sur les questions de responsabilité et d’indemnisation, sur l’importation des vaccins, la réglementation et les sanctions, impliquent des négociations exceptionnellement longues alors qu’il s’agit d’envoyer très vite des vaccins aux organisations humanitaires pour qu’elles puissent les administrer en situation d’urgence.

L’autorisation d’utilisation d’urgence des vaccins pandémiques a joué un rôle essentiel dans le déploiement mondial des vaccins. Il s’agit d’un processus étatique, tout comme l’importation des vaccins. Ainsi, il faut contacter les gouvernements (même de facto) des pays concernés pour pouvoir accéder directement aux doses de la réserve humanitaire. Il n’est pas question de contourner les processus étatiques, mais il faut bien comprendre les options qui s’offrent aux organisations humanitaires et les contraintes que cela représente. Ces organisations ont besoin d’une description des procédures à respecter dans chaque pays pour importer des vaccins en situation d’urgence ; elles pourront éventuellement bénéficier d’une aide technique et de conseils, pour les aider à comprendre et à résoudre ces problèmes bureaucratiques qui freinent la riposte à la pandémie.

Le fait de mener des opérations dans des zones transfrontalières oblige à travailler dans des zones grises, ce qui pose des problèmes notamment au niveau des autorisations réglementaires dont la portée géographique est limitée et pour lesquelles les autorisations accordées par les autorités de facto ou les responsables locaux sont précaires, de même que la coordination qu’elles assurent. Il faut donc que tous les partenaires procèdent à une évaluation rigoureuse des risques, risques qu’ils devront partager équitablement entre eux - soit au sein de l’Alliance, soit au moment de la riposte à une nouvelle pandémie. Pour éviter tout retard ou toute forme de complication, il faudra mettre en place un système de distribution et d’administration des vaccins par-delà les frontières qui tienne compte des principes en vigueur et des conflits en cours, et ceci dès les premières étapes de la demande de doses de vaccin, et sans enfreindre les sanctions nationales ou internationales.

Mise en œuvre et coordination des partenaires

#8 – Sachant que les organisations humanitaires ont besoin de financement pour administrer les vaccins, il est nécessaire de prévoir une aide globale.

Il ne suffit pas de fournir des doses de vaccin pour assurer la vaccination des populations vulnérables. Il faut définir clairement les sources de financement (partenaires acceptant d’apporter leur soutien ou possibilité d’affecter des subventions de Gavi), les mobiliser et les annoncer publiquement le plus tôt possible. Il est fortement recommandé de faire preuve de souplesse dans le financement et de s’adapter à l’évolution des besoins et du contexte. Il faut anticiper la possibilité d’avoir à intégrer de nouvelles activités ou le partage des coûts pour s’adapter à l’évolution de la pandémie et au fait que, en situation de crise humanitaire, d’autres urgences pourraient concurrencer la vaccination. Gavi entend poursuivre sa réflexion sur ces enseignements essentiels lors de l’établissement de nouveaux partenariats multisectoriels axés sur les enfants zéro dose.

#9 – Il serait utile d’investir avant la prochaine pandémie dans la préparation et dans l’établissement de nouveaux partenariats.

Il est possible de normaliser à l’avance certaines procédures et certains outils (formulaires de demande ; mécanismes d’évaluation et d’approbation). Il est indispensable d’établir une liste élargie des partenaires et un répertoire des impératifs spécifiques de chaque situation, si l’on veut pouvoir intervenir de façon efficace et personnalisée plutôt que d’intervenir de façon uniforme quel que soit le contexte. Pour pouvoir à l’avenir riposter rapidement aux pandémies, il faut acquérir et partager une bonne vision de la situation ; établir la cartographie des populations et des responsables des interventions en situation de crise humanitaire, de fragilité ou de conflit.

Rapport

#10 – Il pourrait s’avérer utile de poursuivre cette réflexion et d’investir dans le suivi et la collecte de données.

Il est difficile de prouver que les doses utilisées pour vacciner les populations ciblées et y ayant droit proviennent spécifiquement de la réserve humanitaire (ou d’un autre mode de soutien, plus large), même lorsque les bénéficiaires ont soumis des rapports. C’est peut-être parce qu’il n’existe aucune incitation ni indication pour la rédaction des rapports, pas plus que de sanction pour ceux qui ne le font pas. En outre, l’expérience de COVAX n’a permis de recueillir que peu de données et d’enseignements sur les modalités d’administration des vaccins qui fonctionnent bien dans différentes situations et différents contextes. Il pourrait être utile de chercher de nouvelles manières, complémentaires, d’exercer une supervision (recours à une tierce partie ; vérifications ponctuelles standardisées ; apprentissage en temps réel). Il pourrait s’avérer intéressant de consulter à l’avance les organisations humanitaires et leur demander leur avis sur les implications et la valeur ajoutée de tels investissements.

Alors qu’elle axe dorénavant sa stratégie sur les enfants et les communautés zéro dose, Gavi n’en continue pas moins à suivre une approche souple, qui s’appuie sur l’apprentissage continu. Composée de multiples partenaires, l’équipe qui travaille sur la réserve de vaccins à usage humanitaire a su corriger le tir quand il le fallait et apporter sans cesse des améliorations, en fonction de l’évolution de la situation et des commentaires de ceux qui lui soumettaient des demandes. Pour réussir, il faut pouvoir agir rapidement et, si nécessaire, de façon itérative, et disposer de cadres pour l’élaboration des projets, pour les procédures à suivre et pour leur fonctionnement, faisant appel pour cela à un large éventail de compétences et s’appuyant sur de nombreux enseignements. Cette expérience constitue un exemple pour le Secrétariat, qui cherche toujours à optimiser son travail en adoptant des méthodes de travail plus agiles.

Last updated: 7 Mar 2023

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