LE GHANA SERT DE MODÈLE À D’AUTRES PAYS D’AFRIQUE DU FAIT DE SA RÉUSSITE DANS L’INTRODUCTION SIMULTANÉE DE DEUX VACCINS ET DE SES FORTS TAUX DE VACCINATION

Dans un dispensaire de fortune installé sur l’étal vide d’un marché en milieu rural au Ghana, Felicia Kovie attend que son fils Godwin, âgé de trois mois, reçoive les vaccinations qui le protégeront contre six maladies infantiles potentiellement mortelles.

Godwin a failli succomber à la pneumonie quelques semaines auparavant, et Felicia Kovie, âgée de 38 ans, sait qu’il est important de faire vacciner ses quatre enfants.

« Son état était grave et il est resté trois jours à l’hôpital », nous dit-elle, tandis que des vendeurs autour d’elle vantent bruyamment leurs marchandises, des légumes aux œufs en passant par les boîtes Tupperware et les étoffes de couleurs vives. « J’avais peur qu’il meure. Je l’ai emmené ici aujourd’hui parce que je ne veux pas qu’il retombe malade. Je sais que ces vaccins ont pour but d’empêcher la maladie. »

Godwin, comme la quasi-totalité des enfants nés au Ghana aujourd’hui, sera vacciné contre un éventail de maladies, notamment la coqueluche, la grippe, la rougeole, la fièvre jaune. Sont aussi administrés depuis 2012 des vaccins contre la pneumococcie et le rotavirus, respectivement responsables des deux maladies tuant le plus grand nombre d’enfants dans le monde : le pneumonie et la diarrhée. En plus de financer l’introduction de certains de ces vaccins, GAVI soutient le service ghanéen de la santé public ainsi que les partenaires locaux par la mise en place de formations et l’amélioration du stockage réfrigéré des vaccins.

Une double introduction

La double introduction des vaccins antipneumococciques et antirotavirus en 2012 était considérée comme un test pour ce pays d’Afrique de l’Ouest. C’était la première fois qu’un pays africain introduisait deux vaccins simultanément, mais les introductions ont eu lieu sans trop de heurts.

« Il était important de continuer à sensibiliser les mères et la population sur ces nouveaux vaccins et sur les maladies qu’ils permettent d’éviter », explique Cynthia Charpo, 30 ans, agent de santé communautaire à Dodowa, une ville située au nord de la capitale ghanéenne, Accra. « En raison de leur nouveauté, les gens voulaient connaître les éventuelles réactions. Comme la plupart acceptent, nous vaccinons aujourd’hui encore et personne ne se plaint. »

Un modèle

Le Ghana sert de plus en plus de modèle à ses voisins en raison de ses campagnes réussies contre le pneumocoque et le rotavirus.

K.O. Antwi-Agyei, qui dirige l’unité nationale de lutte contre les maladies, attribue la capacité du Ghana à introduire simultanément deux vaccins ainsi que le succès général de ses programmes de vaccination aux formations ciblées, au soutien des pouvoirs publics nationaux et locaux, à une bonne communication et aux bases de données sur la couverture vaccinale
« Nous investissons énormément dans l’éducation et la formation », dit-il. « Nous établissons une culture de la gestion des données et prenons des décisions à partir des données. Notre système gouvernemental est décentralisé. De plus, nous travaillons étroitement avec nos groupes de la société civile de sorte que nous ne faisons pas uniquement référence aux structures gouvernementales lorsque nous parlons du système de santé. Nous exploitons toutes les possibilités à notre disposition. »

Un succès

C’est un succès : la couverture vaccinale contre la méningite, la polio, la diphtérie, le tétanos et la coqueluche se situe au-dessus de 90 %, selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la Santé pour 2012.

La rougeole, qui tuait autrefois plus d’enfants ghanéens que n’importe quelle autre maladie à l’exception du paludisme, a été quasiment éradiquée.

Un porte-voix

À une petite distance en voiture du nord de Dodowa, Esther Oku-Afari, une infirmière de 49 ans, installe un autre dispensaire mobile dans une station de bus et appelle les mères avec un porte-voix.

Travaillant depuis 25 ans dans ce district, aux alentours de la ville de Larteh située sur les collines au nord de la capitale ghanéenne, Mme Oku-Afari a pu constater les effets des vaccins sur d’innombrables enfants.

« Une très bonne chose parce que, jusqu’ici, les cas de rougeole et de coqueluche étaient courants, mais il est devenu rare de voir quequ’un souffrir de ces maladies depuis le lancement de la vaccination », explique-t-elle. « Je ne me rappelle plus à quand remonte le dernier cas de rougeole. »

Gratuité pour tous les enfants

Comme GAVI finance les vaccins, tous les enfants qui en ont besoin peuvent les recevoir gratuitement, ce qui est extrêmement important, ajoute-t-elle.

« C’est un grand facteur d’incitation car, si nous devions payer, je doute que beaucoup en aient les moyens », explique Esther Oku-Afari. Les femmes venues au dispensaire accompagnées de leurs enfants se sont rassemblées autour d’elle pour écouter et ont manifesté leur approbation.

Des obstacles

Des obstacles demeurent toutefois. La zone où ont été installés ces dispensaires de fortune est sujette à de fortes pluies, les routes au-delà des villes principales sont en mauvais état, ici comme dans de nombreux endroits du pays.

L’électricité nécessaire à la réfrigération des vaccins en dehors des plus grands dispensaires peut être rare. En outre, il existe encore de petites poches de résistance quand les familles refusent de vacciner leurs enfants en raison d’enseignements religieux ou de campagnes internationales contre la vaccination, dont on peut lire la propagande sur internet.

Des succès

Le Ghana est toutefois le mieux placé pour surmonter ces difficultés, souligne Ebenezer Appiah-Denkyire, Directeur général du service de santé ghanéen.

« Nous sommes fiers d’annoncer que nos réussites nous permettent désormais d’introduire de nouveaux vaccins sans difficulté. Nous le devons en grande partie au soutien dont nous avons bénéficié, notamment au rôle joué par GAVI », conclut-il.

Dr K.O. Antwi-Agyei

Profile

NOM : K.O. Antwi-Agyei
PROFESSION : Directeur des programmes de l’unité de lutte contre les maladies, Service de santé ghanéen
EXPÉRIENCE : Directeur des programmes de vaccination au Ghana depuis 2002
PRINCIPAL DÉFI : veiller au fonctionnement efficace de la chaîne du froid ; éviter tout relâchement de la vigilance, la vaccination pouvant devenir victime de son succès. Certaines familles s’interrogent sur la nécessité de vacciner leurs enfants, les cas de maladie ayant chuté grâce à la vaccination.
LIEU : Service de santé ghanéen, Accra
POPULATION : 25,904,598 habitants (Source : Département des Affaires économiques et sociales des Nations Unies, Division de la population, Révision 2008 des Perspectives de la population mondiale, New York, 2009)

 

GHANA

Points forts

Ferme engagement gouvernemental, des résultats constamment élevés dans tous les domaines d’activités soutenues par GAVI, capacité avérée à introduire deux vaccins simultanément, excellente qualité des données, personnel bien formé.

Points faibles

Des divergences concernant la couverture. À titre d’exemple, les enfants sont moins nombreux à recevoir le vaccin antipneumococcique que le vaccin pentavalent.

Les programmes de vaccination du Ghana figurent parmi les plus efficaces du monde en développement, et ce pays sert de plus en plus de modèle à ses voisins. La double introduction récente des vaccins antipneumococciques et antirotavirus était considérée comme un test pour ce pays d’Afrique de l’Ouest, mais les introductions ont eu lieu sans trop de heurts. Selon K.O. Antwi-Agyei, qui dirige l’Unité nationale de lutte contre les maladies, le Ghana doit son succès aux formations ciblées, au soutien du gouvernement, à une communication efficace et à la bonne collecte des données.

Points forts

Ferme engagement gouvernemental, des résultats constamment élevés dans tous les domaines d’activités soutenues par GAVI, capacité avérée à introduire deux vaccins simultanément, excellente qualité des données, personnel bien formé.

Points faibles

Des divergences concernant la couverture. À titre d’exemple, les enfants sont moins nombreux à recevoir le vaccin antipneumococcique que le vaccin pentavalent.

Les programmes de vaccination du Ghana figurent parmi les plus efficaces du monde en développement, et ce pays sert de plus en plus de modèle à ses voisins. La double introduction récente des vaccins antipneumococciques et antirotavirus était considérée comme un test pour ce pays d’Afrique de l’Ouest, mais les introductions ont eu lieu sans trop de heurts. Selon K.O. Antwi-Agyei, qui dirige l’Unité nationale de lutte contre les maladies, le Ghana doit son succès aux formations ciblées, au soutien du gouvernement, à une communication efficace et à la bonne collecte des données.

Q Pouvez-vous nous dire comment vous avez été amené à travailler dans ce domaine ?

Dr Antwi-Agyei: Lorsque j’étais jeune médecin, je voyais mourir de la rougeole de nombreux enfants. Nous avions beau faire tout notre possible pour les sauver, ils ne survivaient malheureusement pas.

Lors de la poursuite de mes études, je me suis rendu compte que c’était en prévenant la maladie qu’on pourrait sauver davantage de vies. C’est pourquoi je me suis intéressé à la médecine préventive. J’occupe le poste de Directeur des programmes de vaccination au Ghana depuis 2002.

Q Comment la situation a-t-elle évolué depuis le tout début de votre carrière ?

Dr Antwi-Agyei: Dans les années 80, la rougeole était la deuxième cause de mortalité chez les enfants ghanéens, après le paludisme. Nous avons alors commencé à introduire les vaccins, et, depuis bien plus de dix ans maintenant, personne n’a succombé à la rougeole au Ghana. Cela nous a bien sûr permis de réduire la mortalité infantile globale.

Nous pensons pouvoir réduire encore ce nombre en luttant contre les maladies évitables par la vaccination. Nous avons donc introduit les vaccins antirotavirus et antipneumococciques pour combattre les deux autres causes majeures de maladie et de mortalité chez les moins de cinq ans au Ghana : la pneumonie et la diarrhée infantile.

Comme vous le savez, le paludisme demeure la toute première cause de mortalité. Mais, là encore, nous espérons un vaccin contre le paludisme un jour.

Q Quelle a été l’aide apportée par GAVI ?

Dr Antwi-Agyei: Avant, nous ne pouvions acheter que les vaccins traditionnels. Les plus chers n’étaient pas dans nos moyens. Grâce à GAVI, nous pouvons désormais nous procurer le vaccin pentavalent (diphthérie-tétanos-coqueluche, hépatite B et Haemophilus influenzae type b) grâce au cofinancement. Nous sommes maintenant également en mesure d’introduire les vaccins antipneumococciques et antirotavirus.

GAVI a pour objectif de mettre les vaccins – sous-utilisés en raison de leur coût – à la disposition des pays pauvres. Son rôle s’est révélé majeur au Ghana. GAVI nous a également aidé à mettre en place de nombreuses formations et à améliorer les capacités de notre chaîne du froid.

Q Comment expliquez-vous la telle réussite du programme de vaccination au Ghana ?

Dr Antwi-Agyei: Nous disposons d’une main-d’œuvre de qualité, qui a bénéficié de formations à chaque introduction successive de nouveaux vaccins. Des formations au niveau national, régional, du district et en dessous.

Nous avons établi une culture de la gestion des données et prenons des décisions à partir de celles-ci. Il incombe à chaque district d’améliorer ses résultats. Atteindre 80, 85 ou 90 % ne constitue pas une fin en soi. Pour ce qui est des vaccinations, une nouvelle cohorte naît chaque année ; des bébés naissent chaque jour.

Nous disposons aussi d’équipes logistiques solides et d’une bonne gestion du stock. Je dirai que, depuis plus de dix ans, nous n’avons pas connu de pénurie de vaccins, du moins au niveau national. Notre système de gouvernement décentralisé contribue aussi à notre réussite car chaque niveau – national, régional, district – connaît ses fonctions et les gère en priorité. J’évoquerai en outre la stabilité du leadership au niveau national. Ainsi j’occupe ce poste depuis dix ans.

Nous travaillons aussi étroitement avec nos groupes de la société civile de sorte que lorsque nous parlons du système de santé d’un district, nous ne faisons pas uniquement référence aux structures publiques. Nous exploitons toutes les possibilités à notre disposition.

Q Vos équipes de vaccination se heurtent-elles à des résistances ? La population se méfie-t-elle des vaccinations ?

Dr Antwi-Agyei: De manière générale au Ghana, je pense que la vaccination a acquis une grande renommée et est respectée. La population pense habituellement que les agents de santé proposent ce qui est bon. Les gens nous disent être conscients des conséquences de la rougeole mais aussi du fait que, grâce aux vaccinations, cette maladie a diminué et que leurs enfants n’en meurent plus.

J’ajouterai cependant que certains lisent des informations sur internet ou entendent dire à l’antenne que la vaccination est néfaste. Durant les campagnes de vaccination, il nous arrive d’être confronté au refus de quelqu’un, pour des motifs religieux parfois. Il faut alors essayer de convaincre cette personne.

Q Selon vous, à quelles difficultés se heurtera le Ghana lors des campagnes de vaccination futures ? Que peut-on davantage améliorer ?

Dr Antwi-Agyei: Nous devons constamment veiller au bon fonctionnement de la chaîne du froid parce qu’il est essentiel de stocker les vaccins dès leur réception.

Il est important de communiquer car la vaccination peut devenir victime de son succès – quand il y a moins de maladies, que la population n’en voit plus ou ne voit plus les conséquences que celles-ci entraînent, on relâche la vigilance. Les gens pensent : « Il n’y a pas de maladies, alors pourquoi nous vaccine-t-on ? » Nous devons sans cesse rappeler à la population que nous ne pouvons pas cesser nos activités de vaccination dès que l’incidence de la maladie est faible.

Qui plus est, à mesure que de plus en plus de vaccins arrivent, les gens éprouvent de légères craintes quant au nombre de vaccins administrés à leurs enfants. Il nous faut donc également réfuter cette idée.

Last updated: 19 Nov 2019

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