LES BABOUCHKA SAGES-FEMMES MONTRENT LA VOIE

Tout repose sur les épaules des babouchka sages-femmes

Agent de santé depuis plus de trente ans et fière babouchka de 23 petits-enfants, Sanovar Partieva ne s’habitue toujours pas aux larmes et aux cris d’un nouveau-né recevant sa première injection vaccinale.

« Certains enfants n’ont même pas le temps d’avoir peur et je m’inquiète toujours quand le bébé commence à pleurer et à résister. Je ne m’habitue toujours pas aux larmes des enfants », explique Sanovar qui depuis 2001, administre des vaccins.

Sanovar est agée de 57 ans et occupe la fonction d’agent de santé au poste de santé feldcher (FAP) de Gum-Hana, un village de 6 200 habitants situé dans la province kirghize de Jalal-Abad où les soins sont assurés par des sages-femmes. Mais Sanovar n’a pas pour seul souci les cris des bébés.

Les médecins quittent le Kirghizistan

De nombreux médecins nouvellement formés et autres professionnels de santé quittent le Kirghizistan pour des emplois mieux rémunérés à l’étranger. On estime de 4 à 5 % le pourcentage de centres de médecine familiale où il manque un ou deux médecins ou qui ne disposent que d’infirmières et d’auxiliaires paramédicaux.

Dans ce contexte, le rôle de cet agent de santé expérimenté est essentiel pour le bien-être du village où la plupart vivotent, en ramassant et en vendant des noix de la forêt environnante d’Arstan Bap.

Ère soviétique

Recrutés pendant l’ère soviétique pour fournir des services d’obstétrique et de santé de base, y compris dans les zones les plus reculées, les agents de santé des 1 600 FAP du Kirghizistan sont la principale raison pour laquelle ce pays affiche un taux national élevé de vaccination.

Malgré deux révolutions et des conflits ethniques, le Kirghizistan a conservé un système de vaccination bien organisé qui n’a pas changé depuis la guerre froide. Aujourd’hui, plus de 96 % de la population kirghize est vaccinée.

Les agents de santé du FAP comme Sanovar, surnommée affectueusement « tata », sont devenus des membres appréciés de leur communauté locale. En dehors de ses tâches au FAP, la vie de Sanovar est en effet quasiment identique à celle des autres villageois de Gum-Hana.

Traite des vaches

Tous les jours, Sanovar se lève à six heures pour traire la vache familiale, assembler le séparateur de traite, préparer la crème fouettée et emmener la vache au pâturage. Elle doit ensuite préparer le petit déjeuner des 15 membres de la famille et invités ayant passé la nuit chez elle. Il se compose de thé au lait et de pain naan, à peine sorti du four et qui sera servi dans un salon que rafraîchit l’ombre d’un noyer gigantesque surplombant la cour devant la maison.

Le FAP où Sanovar passera le reste de la journée, de même que toutes les autres journées de travail depuis 35 ans, se trouve à une distance de dix minutes à pied. Revêtue d’une robe blanche impeccable et d’un fanchon blanc, elle s’assoit pour regarder la liste des activités du jour et planifier la journée.

Un sac isotherme spécial

Tous les mois, Sanovar prend un minibus public à destination de Bazar-Kurgon où elle établit un rapport sur les vaccins qu’elle a administrés et les maladies qu’elle a traitées au centre de santé du district. Avant de rentrer à la maison, elle récupère les vaccins nécessaires à la vaccination systématique qu’elle rapporte au village dans un sac isotherme spécial.

Ces trois dernières semaines, elle a vacciné quinze nouveau-nés, six petits âgés de deux ans tout au plus et huit enfants de six ans.

Ses seules autres sorties sont des ateliers de formation organisées avec d’autres travailleurs du poste de santé FAP – une fois par mois ou plus souvent, selon les besoins, dans le cadre de la formation continue du personnel paramédical.

Un vaccin moins douloureux

« Après l’introduction du vaccin pentavalent, d’autres ateliers ont été organisés dans le centre régional. Ce vaccin est moins douloureux, une seule piqûre » assure-t-elle, à propos du meilleur antidote contre sa répugnance à l’égard des cris des bébés.

« Une injection dans la jambe au lieu de deux – c’est vraiment bien ! »

Sensibiliser les villageois à l’importance des vaccins – et les rassurer à propos de la légère réaction de l’enfant – fait partie des aspects importants du travail de Sanovar.

« Certains enfants s’agitent et ressentent un peu de fièvre après une vaccination. La mère peut en avoir assez de cela et ne plus vouloir du deuxième vaccin. Je leur rends visite pour leur expliquer que cette réaction est normale, puis je leur parle des maladies terribles – coqueluche, diphthérie, hépatite B – et des complications graves qui peuvent survenir. Un peu de fièvre et quelques larmes, ce n’est rien en comparaison. Je dois convaincre, amadouer, expliquer – elles reviennent toutes », précise-t-elle.

« Qu’est-ce que je ferai si je prends ma retraite ? »

Avec cinq enfants, 23 petits-enfants et un mari chauffeur de minibus, babouchka Sanovar a atteint un âge où l’on ne saurait lui reprocher d’envisager de prendre sa retraite.

« Mais qu’est-ce que je ferai si je pars à la retraite ? Regarder la télé ou quelque chose de ce genre toute la journée ? Je m’ennuierai. Et puis, cela me permet d’aider les autres. »

Je ne m’habitue toujours pas aux larmes des enfants. Alors une injection au lieu de deux – c’est très bien !

Profile

 

NOM: Sanova Partieva
PROFESSION: agent de santé dans un poste sanitaire feldcher où les soins sont assurés par des sages-femmes
EXPÉRIENCE: 35 ans
PRINCIPAL DÉFI À RELEVER : maintenir le niveau de service même si de plus en plus de professionnels de la santé quittent le pays pour des emplois mieux rémunérés
LIEU : village de Gum-Hana dans la province kirghize de Jalal-Abad
POPULATION: 6,200 habitants

Kyrgyzstan

Points forts

Ferme engagement du gouvernement, respect des engagements de cofinancement, taux de vaccination très élevé.

Points faibles

Mauvaise infrastructure, obstacles géographiques, expatriation du personnel de santé, mouvement antivaccination.

Résumé

Le Kirghizistan, ancienne République soviétique, est le deuxième pays le plus pauvre d’Asie centrale. Une grande partie de la population reste encore dépendante de l’élevage, de l’agriculture et des méthodes fourragères, qui n’ont pas changé depuis des générations. Ce pays affiche pourtant l’un des taux de vaccination les plus élevés au monde en dépit d’un conflit ethnique et de deux révolutions. Il est parvenu à ce résultat par un système bien organisé qui a survécu à l’époque soviétique et qui perdure grâce à des travailleurs paramédicaux comme Sanovar Partieva.

Points forts

Ferme engagement du gouvernement, respect des engagements de cofinancement, taux de vaccination très élevé.

Points faibles

Mauvaise infrastructure, obstacles géographiques, expatriation du personnel de santé, mouvement antivaccination.

Résumé

Le Kirghizistan, ancienne République soviétique, est le deuxième pays le plus pauvre d’Asie centrale. Une grande partie de la population reste encore dépendante de l’élevage, de l’agriculture et des méthodes fourragères, qui n’ont pas changé depuis des générations. Ce pays affiche pourtant l’un des taux de vaccination les plus élevés au monde en dépit d’un conflit ethnique et de deux révolutions. Il est parvenu à ce résultat par un système bien organisé qui a survécu à l’époque soviétique et qui perdure grâce à des travailleurs paramédicaux comme Sanovar Partieva.

Questions&Réponses

Dr Dinara Saginbaeva, Ministre kirghize de la santé

Q Malgré de récents bouleversements sociaux, dont deux révolutions et un conflit ethnique, votre gouvernement a mis en place plusieurs innovations dans le système de santé. Vous avez cependant conservé de nombreux aspects du système de l’ère soviétique.

Dr Saginbaeva : En 1996, nous avons entamé une réforme des soins de santé calquée sur les pratiques internationales. Au premier niveau de soins, il y a les centres de santé de la famille établis dans des villages qui sont les piliers de la réforme. Au deuxième niveau, il y a les hôpitaux régionaux et les centres de santé où travaillent les chirurgiens et autres spécialistes. Au troisième, les institutions médicales spécialisées, principalement situées à Bichkek, notre capitale.

Parallèlement, nous avons conservé les postes de santé feldcher où les soins sont assurés par des sages-femmes (FAP) dont la création remonte à l’époque soviétique qui assurent les soins de santé de base, y compris dans les zones rurales les plus reculées. Il en existe encore 1 600 dans le pays.

Nous restons malheureusement confrontés à la migration du personnel de santé parti exercer des emplois mieux rémunérés à l’étranger. Dans 4 à 5 % environ des centres de médicine familiale il manque un ou deux médecins et l’on y trouve que des infirmières et des auxiliaires médicaux. Néanmoins, notre réforme a permis de réduire considérablement la mortalité chez les enfants de moins d’un an. Cet indicateur est important.

Q Serait-il juste de dire que, c’est surtout le système de vaccination de votre pays qui a permis d’obtenir ce résultat ?

Dr Saginbaeva : Assurément, et il faut rendre hommage ici aux employés dévoués des FAP. Grâce à eux, nous avons conservé l’ensemble du système de vaccination qui n’a connu aucun changement depuis l’ère soviétique et qui a été intégré à notre système de santé actuel. Aujourd’hui, plus de 96 % de la population kirghize est vaccinée.

Q La population kirghize a dernièrement fait preuve d’hostilité envers la vaccination. Quelles en étaient les raisons?

Dr Saginbaeva : Il y a surtout deux raisons. La première est due à l’apparition de quelques cas d’effets indésirables liés au vaccin. Ceux-ci n’étaient pas dus aux vaccins mais à des erreurs du personnel de santé insuffisamment formé. Nos journaux et journalistes – qui disposent d’une entière liberté d’expression – ont immédiatement fait état de ces incidents ce qui en a inquiétés certains. Nous en avons tiré de grandes leçons.

Deuxième raison : l’activité croissante des sectes religieuses, aussi bien islamiques que non islamiques, dont les membres militent activement contre les traitements médicaux et notamment la vaccination. Leur nombre s’accroît et, pour nous, médecins, cet aspect de leur activité demeure alarmant. Nous prévoyons d’entamer des discussions avec les dirigeants religieux les plus influents de notre pays.

Q Comment les organisations des donateurs ont-elles contribué à vos efforts de vaccination ?

Dr Saginbaeva : Autrefois nous étions par moments complètement tributaires des donateurs pour l’achat des vaccins. Désormais, près de 60 % des fonds alloués à la vaccination proviennent du budget national, et 40 % des donateurs notamment de GAVI Alliance qui soutient nos actions depuis 2001.

Q En quoi a consisté ce soutien initial ?

Dr Saginbaeva: Notre première demande de soutien concernait le vaccin anti-hépatite B. Nous avons demandé à GAVI une aide alors que nos données épidémiologiques semblaient indiquer une augmentation de l’hépatite B chez les enfants, ce qui était très alarmant. GAVI nous a montré comment mettre en place de nouvelles approches et a favorisé un autre niveau de responsabilité.

Du fait de cette collaboration, nous avons été amenés à envisager comment pérenniser ce nouveau programme. Au cours de la deuxième étape de coopération avec GAVI –couvrant la période de 2006 à 2015 – l’Alliance a élargi sa stratégie au-delà de l’achat des vaccins et nous aide à renforcer les services de vaccination ainsi que l’ensemble du système de santé.

Q Ce soutien comprend-il une aide en faveur d’initiatives citoyennes ?

Dr Saginbaeva : L’Alliance soutient les comités de santé villageois par exemple. Ce groupe intervient depuis plus de dix ans et regroupe plus de mille comités composés de volontaires habitant en général dans les villages où ils apportent une aide en matière de santé.

Ils font du porte-à-porte et sensibilisent leurs voisins à la vaccination et à d’autres formes de prévention. Ils organisent également des cours spécifiques d’éducation à la santé dans les écoles et accordent une importance particulière aux besoins des personnes âgées. Ils sont extraordinaires ! Ce sont nos assistants les plus actifs – et l’Alliance leur fournit une aide tangible. Allez dans n’importe quelle maison rurale – dans la majorité d’entre elles vous verrez un calendrier de vaccination accroché au mur, réalisé avec l’aide de GAVI.

Last updated: 24 Nov 2019

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