UNE ÉTUDE DE RECHERCHE SUR L’EFFICACITÉ DU VACCIN ANTIPNEUMOCOCCIQUE AU KENYA MONTRE QU’EXTRAIRE LES DONNÉES DES DOSSIERS MÉDICAUX ÉLECTRONIQUES EST ESSENTIEL POUR TRANSFORMER LA SANTÉ
De bon matin, par une matinée sans nuages, Oscar Kai, perché sur une moto Yamaha, son ordinateur portable agrippé contre la poitrine, cahote sur une route de terre longeant cocoteraies et champs de blé.
Il se rend dans un dispensaire temporaire situé au fin fond de la campagne kényane, qui fait partie des 33 participants à une étude numérique unique en son genre. Elle est destinée à cartographier l’efficacité d’un nouveau vaccin dans la lutte contre les maladies infantiles.
Après un trajet de 20 minutes – une mère avec son bébé aurait mis plus de deux heures pour parcourir cette distance à pied – M. Kai, âgé de 28 ans, pose son ordinateur portable sur le bureau de l’une des trois classes au toit d’étain de l’école primaire de Ngamani.
Des mères vêtues de châles colorés, arrivent avec leurs bébés sur le dos. Chacune tient entre les mains un petit livret violet qui constituait, avant cette nouvelle étude, le principal moyen de consigner leurs antécédents médicaux et ceux de leurs enfants.
Une base de données médicales numérique
Les choses évoluent, grâce à M. Kai et à ses collègues, qui mènent l’étude sur l’efficacité du vaccin antipneumococciqueconjugué destinée à constituer une base de données médicales numérique sur les 270 000 habitants du district de Kilifi situé sur la côte kényane de l’océan Indien.
Cette étude, financée par GAVI Alliance, établit une cartographie de la couverture croissante du nouveau vaccin antipneumococcique conjugué (VPC), tout en surveillant l’incidence actuelle de la pneumococcie que ce vaccin est destiné prévenir. La pneumococcie est la cause première de pneumonie – la maladie la plus meurtrière dans le monde chez les enfants de moins de cinq ans.
Assis au bureau du professeur, dans l’école de Ngamani, M. Kai parle avec Kadzo Chai, âgée de 28 ans, dont la fille de trois mois, Nuru, hurle encore après avoir reçu une deuxième dose de vaccin antipneumococcique conjugué.
En plus d’inscrire le moment et le lieu où Nuru a reçu ce vaccin, Oscar Kai met à jour sa taille et son poids, puis ajoute des informations sur les vaccinations reçues contre la polio, la fièvre jaune, la rougeole, la diphtérie, le tétanos et l’hépatite B ainsi que sur les vaccins pentavalents et BCG.
Amélioration de tout le service de santé
Ces notes ainsi que celles concernant tous les patients auscultés au dispensaire ce matin-là seront ensuite enregistrées sur un disque dur et envoyées à l’Institut kényan de recherche médicale (Kemri) de la ville de Kilifi qui réalise cette étude, en partenariat avec The Wellcome Trust.
« La numérisation de la base de données facilite énormément la mise à jour de nos données, même lorsque les enfants déménagent et accèdent aux services de santé dans d’autres endroits », explique le Dr Benjamin Tsofa, Chef de liaison de cette étude au Ministère kényan de la santé.
« Il s’agit d’une étude de surveillance, au moyen de la saisie de données numérisées, qui est intégrée dans les structures de prestation des services de santé. L’avantage qui en découle nécessairement est celui de nous aider à améliorer l’ensemble de la prestation des services de santé. »
« Cela nous aide à gérer prioritairement le personnel et l’allocation des ressources, mais aussi à assurer le suivi du VPC, de tous les autres vaccins et de la plupart des interventions sanitaires destinées aux enfants dans notre district. »
Suivre les admissions à l’hôpital
Cette étude permet également de surveiller séparément les cas de pneumococcie en suivant les admissions à l’hôpital et d’enregistrer la prévalence du portage nasopharyngé du pneumocoque décelé par prélèvement aléatoire d’écouvillons sur des enfants et des adultes.
Le lendemain de la visite de M. Kai dans cette clinique mobile, l’un de ses collègues cahote à son tour le long des chemins de terre sur une motocyclette tout terrain.
Stephen Mangi, agent de terrain âgé de 30 ans, rend visite aux familles sélectionnées de façon aléatoire par l’ordinateur, pour effectuer les prélèvements dans le cadre de l’étude sur le portage nasopharyngé.
Chute des cas de pneumococcie
Tel est l’autre aspect crucial de cette étude sur l’efficacité : prouver par la collecte de preuves que ce vaccin contribue effectivement à une chute des cas de pneumococcie.
En 2008, l’Organisation mondiale de la Santé estimait à plus de 16 000 le nombre de Kényans morts des suites d’infections à pneumocoques pendant l’année 2000 ; la maladie avait provoqué 235 000 cas de pneumonie dans le pays cette même année.
Plus tard dans l’après-midi, M. Mangi envoie les prélèvements au siège de l’étude situé à Kilifi, où Jane Jomo, technicienne de laboratoire, les transfère dans des boîtes de Petri puis les laisse incuber jusqu’au lendemain afin d’y déceler la présence de bactéries.
En face de son espace de travail, un autre collègue prépare les échantillons sanguins des enfants admis dans les services de l’hôpital du district de Kilifi.
Incidence de la maladie
Ces derniers effectuent des tests de dépistage du streptococcus pneumonia, de l’Haemophilus influenzae type b et du staphylococcus aureus ; tous leurs résultats seront ensuite enregistrés dans la base de données de l’étude.
« Ici, à Kilifi, l’incidence de la maladie chez les enfants de moins de cinq ans a d’ores et déjà reculé de près des deux tiers depuis l’introduction du vaccin VPC en janvier 2011 », indique Anthony Scott de l’Institut kényan de recherche médicale (Kemri).
Médecins et chercheurs scientifiques se gardent cependant d’aboutir à des conclusions significatives, car l’étude remonte, pour le moment, à moins de 30 mois.
Donnez-nous des preuves
« Il est extrêmement important pour nous de pouvoir mesurer l’efficacité de ce vaccin », souligne le Dr Juliet Otieno, pédiatre à l’hôpital du district de Kilifi.
« En tant que clinicienne, je partirais du postulat que, si l’on constate une réduction des cas après utilisation du vaccin, alors celui-ci est efficace. Il s’agit toutefois d’un postulat. L’étude nous en fournit la preuve. »